Le casse-tête chinois de l’Europe

Après le processus de Barcelone et son rêve de “prospérité partagée” et de “co-développement”, après les accords d’association de libre-échange avec les pays tiers-méditerranéens (PTM) après la “politique de voisinage”, voilà l’Europe qui, par l’intermédiaire de la France de Nicolas Sarkozy, remet sur le métier une nouvelle fois le dossier de son partenariat avec la Méditerranée en proposant l’Union méditerranéenne.

“L’Union méditerranéenne n’est ni contre Barcelone, ni à l’intérieur de Barcelone, c’est une autre démarche”, précise Henri Guaino, le conseiller de Sarkozy. La Méditerranée intéresse- t-elle vraiment toute l’Europe ou seulement son arc latin (Portugal, Espagne, France, Italie), ce qui expliquerait les échecs du processus de Barcelone et même celui des accords de libre-échange avec les PTM. On sait que l’élargissement de l’Union européenne au pays de l’Europe centrale et orientale (PECO) a été impulsé d’abord et en grande partie par l’Allemagne. Mais les enjeux sont aujourd’hui différents.

La Méditerranée se présente de plus en plus comme le flanc faible et fragile de l’Europe : migrations clandestines, contrebandes et conflits, islamisme. “Le raisonnement est simple : si on ne veut pas que les gens du Sud (et leurs problèmes A.B.) montent chez nous, il faut les aider à ce que leurs pays se développent”, affirme sans ambages Jean- Louis Guigou délégué de l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (voir le Nouvel économiste du 21 au 27 juin 2007).

De plus, les études démographiques menées par la commission européenne montrent que d’ici 2040 la population européenne aura diminué de 80 millions de personnes et elle aura considérablement vieilli. “Voulons-nous devenir une grande Suisse pour retraités rentiers ? Un modèle intenable à terme : dans trois décennies, le poids de l’Europe dans le PIB mondial sera réduit à 12% contre 22% aujourd’hui. Le seul scénario de sortie pour la “Vieille Europe” est de s’ouvrir au Sud”, avertit Jean- Louis Guigou.

Cette union méditerranéenne (ensemble euroméditerranéen plus ramassé, plus cohérent, plus efficace) regrouperait les seuls pays riverains de la Méditerranée, soit 8 pays européens, France, Italie, Espagne, Portugal, Grèce, Malte, Chypre, Slovénie et 10 pays du Sud : Algérie, Maroc, Tunisie, Egypte, Libye, Syrie, Jordanie, Liban, Israël, Palestine.

Et J.L. Guigou précise : “Elle agirait dans 3 domaines : la sécurité, l’environnement et le co-développement, domaines qui resteraient de souveraineté nationale”. Et le président français semble partager l’idée selon laquelle il ne faut pas attendre qu’un impossible consensus européen se fasse sur cette question de la Méditerranée pour agir. L’Euroméditerranée n’est pas un rêve pour peu que la volonté politique existe. Et le président français semble craindre fortement comme l’écrit le professeur O. Pastrique “ce qui est sûr c’est que la non-euroméditerranée pourrait être un cauchemar”.

Le projet de l’Union méditerranéenne a-t-il quelque chance d’aboutir ?

“On ne voit pas aujourd’hui les forces qui pousseraient à l’émergence d’une union méditerranéenne digne de ce nom”, observe Thierry de Montlerial, directeur général de l’Institut français des relations internationales (IFRI). Il faut en effet souligner quelques difficultés que soulève déjà ce projet. La Turquie (à qui s’adresserait prioritairement cette union) a déjà rejeté cette initiative “dans laquelle elle voit un succédaire à son éviction de l’Union européenne”.

(J.E. Daguzan, fondation pour la recherche stratégique). L’Italie et l’Espagne pour leur part semblent préférer le bilatéralisme dans leurs relations avec les pays du sud de la Méditerranée. Ce chercheur souligne aussi que les questions israélo-palestinienne et libano- syrienne bloquent le partenariat euroméditerranéen. Le président de la commission des affaires institutionnelles du Parlement européen observe pour sa part que “le projet n’a pas de grandes chances”. “Comment faire une union méditerranéenne à côté de l’Union européenne ?”

L’Union européenne dispose déjà en effet de l’instrument de la politique de voisinage qui offre aux pays de la rive sud de la Méditerranée un partenariat bilatéral singularisé. De plus, l’Union méditerranéenne doit être financée et “là commencent les problèmes”. Nombreux sont les politiques et les experts européens qui pensent que “le “non” de Sarkozy à la Turquie a toutes les apparences d’être compensé par ce projet d’Union méditerranéenne” et qu’il s’agit plus là d’une réponse tacticienne à un vrai problème politique que d’une conviction méditerranéenne.

Il faut aussi souligner “last but not least”, le scepticisme et surtout les revendications des pays du Sud déçus par tout ce qui a été entrepris jusqu’à maintenant par l’Union européenne. L’Union ne peut se faire qu’entre égaux et il faut sortir du paternalisme, cet avatar post-colonial, rappellent ces pays.

Le jeu doit être gagnant-gagnant et aussi bien l’Europe que les PTM doivent y trouver leurs comptes. Il faut, disent ces pays, rappeler à l’Europe qu’elle n’est pas seule en Méditerranée : les USA, la Chine, les pays du Golfe sont bien présents et comme le rappelle P. Plassart, journaliste au Nouvel économiste, “les Méditerranéens du Sud ne sont plus dans une relation de monopole obligé avec les Européens”.

Abdelmadjid Bouzidi

Leave a Reply

You must be logged in to post a comment.

intelligence artiste judiciaire personne algériens pays nationale intelligence algérie artistes benchicou renseignement algérie carrefour harga chroniques économique chronique judiciaire économie intelligence chronique alimentaire production art liberté justes histoire citernes sommeil crise alimentaire carrefour économie culture monde temps
 
Fermer
E-mail It