Pouvoir de décision et pouvoir de décider

Recevant le ministre du Commerce, le 8 septembre, le Président a instruit le gouvernement de veiller à ce que “le programme quinquennal 2009-2014 prenne en charge la réalisation d’un réseau de marché de distribution d’envergure nationale, régionale, locale et même de proximité”.

Le lendemain, le chef de l’État ordonne que le transfert des eaux du Sahara vers les Hauts-Plateaux constitue une priorité du même programme.

Le surlendemain, il relève la prime de scolarité des élèves nécessiteux de 2 000 à 3 000 dinars.
Et jeudi dernier, il enjoint au ministre de l’Enseignement supérieur la généralisation du système LMD.
Au rythme des auditions présidentielles, le contenu du plan 2009-2014 sera défini d’ici l’Aïd.

Sauf que la méthode pose problème : certaines résolutions n’engagent qu’un surplus budgétaire visiblement à la portée du Trésor public, mais d’autres, comme celle portant sur l’exploitation massive de la nappe albienne, nécessitent une importante étude préalable.

De deux choses l’une donc : ou la décision a été mûrement préparée, et elle mérite d’être présentée autrement que comme une improvisation de causerie du Ramadhan ; ou elle a été réellement inopinée, auquel cas elle comporte le risque de nous retrouver, d’ici la fin du mois sacré, avec un programme quinquennal partiellement impromptu. Ce qui voudrait dire que le développement n’est pas entièrement fondé sur un processus de planification structuré et transparent.

L’opinion apprécie le sens de l’initiative chez un dirigeant. Et dans le contexte financier national, le coût n’est plus une contrainte handicapante pour les décideurs. Si bien que l’Algérie se retrouve en situation d’expérimenter une doctrine du développement par la dépense. Celle-ci ne favorise que les investissements grandioses et onéreux et méprise les besognes de petits budgets comme les travaux d’entretien, d’organisation, de valorisation de l’existant…

Le montant a acquis un statut de slogan. Le projet se justifie plus par sa cherté que par ses effets. Le risque est que son prix nous dispense de s’attarder sur l’analyse de ses bénéfices et de ses impacts. Cette espèce de surenchère de la dépense a fait des émules dans toutes les institutions qui, eux aussi, veulent marquer leur pouvoir et leur “générosité” en exposant leur prérogative d’ordonner d’importants débours.

Le directeur général de l’ENTV a récemment illustré cet air du temps, à l’occasion d’une émission de retransmission du concours de récitation du Coran. Outre que celle-ci a révélé de jeunes talents de psalmodie, elle a surtout permis à Habib Chawki de confirmer qu’en la matière, “quand on aime on ne compte pas” : en cours d’émission, il décide de revaloriser la prime des concurrents éliminés qui passa sur-le-champ de cent mille à un million de dinars (à multiplier par le nombre d’éliminés ).

Un peu comme si les dotations des concours télévisés pouvaient être estimées ainsi sur un claquement de doigts d’un responsable. La décision-spectacle de l’organisateur du spectacle faisant partie du spectacle.

Au-delà de la pertinence presque toujours discutable de son affectation, l’argent public, perçu comme surabondant, sert désormais à mettre en scène le pouvoir de ceux qui décident de son allocation.

Mustapha Hammouche

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