Gestion improbable et développement durable

Dans cinq ans, un immense et beau parc sera réalisé à côté d’Alger. L’argument paysager et environnemental, à l’origine du Parc des Grands-Vents, ouvre la voie, une fois le projet arabisé en parc Dounya, à une promotion immobilière et à la création d’une zone d’activités commerciales faite d’hôtels, de restaurants, d’hypermarchés, de résidences, de tours-bureaux…

Sur les 850 hectares promis au béton, la verdure prend des allures d’alibi. Des arbres sont aujourd’hui d’incontournables décors de maquettes, même celles de projets de bunkers. Si l’on y ajoute les 9 000 hectares réservés aux projets de Bouinan et Sidi-Abdallah, les terrains résiduels du pourtour de la baie d’Alger provisionnés à l’intention de promoteurs triés, si l’on y ajoute les colonies successives de la côte ouest, c’est une grande partie de la Mitidja qui va être extraite à sa vocation agricole et touristique et affectée au bâtiment.

L’urbanité et l’écologie servent de premier prétexte à ces projets. Ceux-ci passent même bien avant des urgences environnementales, comme l’assainissement de l’oued El-Harrach ou la fermeture de la décharge de Oued Smar.

L’État éventre le parc d’El-Kala, s’apprête à sacrifier la baie de Béni Saf, un des rares sites d’envergure qui ont survécu aux “industries industrialisantes”, sur l’autel du choix équivoque d’un retour à l’industrie pétrochimique, puis exhibe son souci pour l’écosystème en important des arbres pour un complexe graniteux.

À Alger, le moindre bout d’espace vert est traqué par les appétits immobiliers ; la Casbah, enlaidie de paraboles comme autant de verrues sur un visage de notre histoire, n’a toujours pas suscité l’effort de réhabilitation que mérite ce patrimoine mondial.

Alger est la troisième ville la plus sale du monde et s’enorgueillit d’un parc qu’elle réceptionnera dans cinq ans si, faisant exception à la règle nationale en matière de délais, le projet aboutit à temps.
Le pouvoir veut se légitimer par les dépenses qu’il programme et ses représentants brandissent le montant en milliards de tel ou tel nouveau projet avec la satisfaction d’une réalisation accomplie.

La pollution programmée de la baie de Béni Saf, comme d’autres dégâts accomplis ou à venir, illustre l’insouciance écologique des concepteurs de la “relance économique”. La fonction d’environnement, enclavée dans un département ministériel, ne peut servir que de feuille de vigne d’une démarche peu soucieuse de la préservation du milieu naturel et urbain.

L’environnement est, par nature et par étymologie, et donc par excellence, une notion systémique. C’est une option stratégique à laquelle devraient se soumettre tous les choix en matière de gestion et d’investissements.

Au lieu de cela, tout se passe chez nous comme si, à côté d’une Algérie qu’on laisse tomber en ruine, on voulait construire une autre, faite d’édifices qui rivalisent en coûts. Le comble est qu’on affuble ce genre de “développement” de la qualité de “durable”. Or, la durabilité ne se construit pas ; elle participe des soins apportés à l’existant bien plus qu’à ce qui se bâtit.

Il est vrai, cependant, qu’il est plus commode d’acheter que d’entretenir. C’est encore plus vrai quand l’argent n’est pas le fruit de l’effort.

Mustapha Hammouche

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