MON PORTABLE A DES OREILLES

Comment c’était avant le téléphone portable ? On a du mal à l’imaginer. Pourtant, ce n’est pas le paléolithique. C’est juste là, à côté, il y a dix ans. Ce petit machin qui, du creux de la paume de la main, vous connecte au fin fond de la planète, vous rend accessible l’inaccessible, c’est de la magie parfois noire, il est vrai, mais de la magie quand même.

Le développement rapide de la téléphonie mobile en termes d’élargissement des réseaux et de sophistication des services en rend nos sociétés dépendantes. En quelques années, le portable s’est imposé comme un instrument indispensable.

A quoi ? A tout, à rien ! Alors que nous avons vécu sans, des lustres durant, on ne sait pas trop pourquoi l’usage du portable s’est développé aussi rapidement. En 2000, on dénombrait 800 millions d’usagers. Ils étaient 2,6 milliards en 2007. A quoi imputer cette progression fulgurante ? Au bagout des vendeurs, à la naissance de nouveaux besoins ? La société de communication induit, à l’évidence, des exigences que l’on ne pouvait soupçonner.

Leur satisfaction modèle une façon de transmettre qui bouleverse jusqu’aux langues. Dans toutes les langues du monde, l’introduction du langage SMS est un élément de perturbation essentiel. Les fonctions multiples dont il est équipé, photo, etc.) décuplent sa nécessité. Depuis quasiment sa commercialisation, il est dans notre décorum quotidien au point de ne pas s’étonner que Nicolas Sarkozy, reçu par le pape au Vatican fin décembre 2007, transgresse la solennité de l’instant pour consulter subrepticement un message sur son téléphone portable.

Toutes les télévisions du monde ont répercuté l’image du président français, un œil rivé sur son portable l’autre veillant à ce que son hôte ne le surprenne. Récemment, différents évènements survenus dans plusieurs pays ont confirmé cette place capitale du téléphone portable dans le fonctionnement des sociétés parfois pour une plus grande transparence et, comme c’est le cas en Iran, en faveur de la dénonciation de l’arbitraire.

Le vice-recteur de l’université de Zanjan, dans le nord-est de l’Iran, était connu pour agresser ses étudiantes. Euphémisme, bien sûr ! Parole contre parole, qui croirait celle des victimes face à la respectabilité d’un dignitaire universitaire ? Les étudiants ont décidé de le piéger, utilisant l’une des leurs comme appât.

L’un d’eux l’a filmé en flagrant délit de tentative de viol à l’aide d’un téléphone portable tandis qu’ un autre diffusait l’agression sur You-tube rendant visibles les images de l’agression à travers le monde entier. Sur un seul site, en 4 heures, 40 000 personnes auraient regardé le spectacle d’un homme lubrique, nommé à de hautes responsabilités et gardien des bonnes mœurs, agresser une jeune étudiante.

Sans ce moyen, l’affaire aurait été vraisemblablement étouffée ou, révélée, elle se serait sans doute retournée contre les victimes. Au Zimbabwe, le téléphone portable a contribué à démasquer le trucage des élections dont Robert Mugabe s’est offert généreusement les résultats.

Comment ? La défaite au premier tour de Mugabe est due en partie aux représentants de la société civile mobilisée dans le ZESN (Zimbabwe Election Support Network), une coalition indépendante d’associations locales dirigée par Noel Kutawa. Les collaborateurs de la ZESN, affectés à des bureaux de vote reculés, ont instantanément expédié les chiffres par téléphone, fax et SMS aux organisateurs de Harare.

Traités immédiatement, ils ont établi la victoire de l’opposant Morgan Tsvangirai. Une fois ces chiffres entérinés par la communauté internationale, ceux issus du trucage devenaient difficilement crédibles. Au sud-ouest de la Chine, dans la province de Guizhou, un notable viole et tue une jeune fille. L’oncle de cette dernière veut dénoncer l’affaire.

Il est passé à tabac jusqu’à ce que mort s’ensuive. Des émeutes éclatent. Elles sont filmées à l’aide de téléphones portables. Pendant quelques heures, les images ont circulé sur le Net avant d’être censurées par le gouvernement. Et qu’est-ce qui leur a pris en Suède, pays des libertés, de voter une loi le 18 juin dernier, autorisant le gouvernement à intercepter et analyser toutes les conversations venant de l’étranger ?

Cette loi, digne de la Corée du Nord, permet aux services d’écoutes du ministère de la Défense d’utiliser un superordinateur qui permet de scanner à toute heure du jour et de la nuit SMS, mails et conversations téléphoniques franchissant les frontières de la Suède. Conversion chinoise ? Dans le registre de l’usage du portable au service de l’arbitraire ne pourrait-on pas inscrire la mésaventure de Patrick Poivre d’Arvor, l’inamovible présentateur du 20 h de TF1 ?

PPDA n’a pas valu plus qu’un SMS pour être remercié tandis qu’il suivait un match de tennis à Roland Garros. Sur le fond de cette affaire, comme de toutes celles qui précèdent, on peut avoir l’opinion qu’on veut. Le fait est que le portable peut servir à tout. Comme les murs, il a des oreilles et même des yeux.

Arezki Metref

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