LES DRAPEAUX DU 5 JUILLET

Finalement, l’appel des autorités à pavoiser pour le 5 Juillet a été ignoré par la population. C’est triste pour le pays car cette indifférence signale que le fossé est encore plus large qu’on ne l’imaginait. Pis, un citoyen qui n’a jamais manqué d’accrocher notre drapeau à sa fenêtre les 1er Novembre et 5 Juillet ne l’a pas fait cette année.

Les jeunes du quartier lui posaient invariablement des questions sur le drapeau pour le taquiner ou le charrier. Ses propres enfants n’ont pas voulu passer pour des originaux avec ce drapeau qui distinguait la famille. Il leur a donné les noms des martyrs, des maquisards, des prisonniers et leur a raconté l’héroïsme des femmes de la famille. Les enfants ont vraiment compris que c’était leur drapeau.

Ils l’aideront par la suite à l’accrocher. Aux jeunes des quartiers qui faisaient les narquois, il répondait par des moqueries affectueuses leur expliquant que sa famille a fait flotter ce drapeau. «Et votre famille ?» Simple question pour déclencher le processus de la mémoire. Du coup, les jeunes lui rapportaient ce que les parents leur avaient dit de la guerre de Libération, de leurs souffrances, du courage.

Et la transmission reprenait pendant quelques heures. Elle fonctionnait de nouveau. Les jeunes avaient alors besoin de s’expliquer, presque de s’excuser. Ils lui rappelaient : «Mais, tonton, vous, vous avez vécu, vous avez des choses, vous avez voyagé, etc. » Manière de dire, vous avez au moins goûté à quelques fruits de l’indépendance. Ils avançaient l’excuse qu’ils n’ont rien vu ni goûté de cette indépendance.

Excuses inutiles. Le vieux savait qu’ils portaient le drapeau dans la tête, qu’ils l’avaient dans la peau mais qu’ils ne soulevaient ou le montraient qu’à leurs occasions, aux moments choisis par eux, dans les délires des matchs des équipes nationales ou d’autres occasions dont ils ont le secret.

La discussion sur la guerre, le vieux la voulait, car elle sortait du formalisme et du carcan récupérateur des festivités officielles. Elle remettait en scène leurs proches par le sang ou par l’amour, ces choses qui vous tissent dans l’âme une mémoire intime de la patrie et de ses combats.

C’est bien dommage que le pouvoir en soit arrivé à ce point du divorce avec le peuple que même le drapeau n’est plus un trait commun et qu’un combat sourd s’est engagé entre les deux pour savoir à qui il appartient vraiment. Mais à vous les jeunes, depuis toujours. Et à ceux qui n’en font usage que pour l’amour de la patrie.

MOHAMED BOUHAMIDI

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