Le Times, Droudkel, la déontologie et la réconciliation

Pourquoi dans un pays où la presse recueille les déclarations de terroristes élargis, où l’on organise des conférences de presse à des “repentis”, l’interview de Droudkel au New York Times fait-il scandale ?

Dans un espace médiatique habitué aux reportages sur “l’itinéraire d’un repenti”, à l’analyse du “pourquoi Hattab a été déchu de son poste ?”, la promotion du chef actuel du GSPC au rang de personnalité questionnable devrait donc nous ébranler ! Parce que c’est précisément l’innommable Droudkel qui est inteviewé ?

Mais en quoi la voix de Droudkel est plus damnée que celle de Madani Mezrag, chef du groupe terroriste de l’AIS qui, en 2004, tenait conférences de presse de campagne électorale avec, entre autres compagnons de tribune, un futur Chef du gouvernement de la République ?

La société n’exprimait alors pas beaucoup d’émotion devant la promotion – officielle — d’un tueur au rang d’aiguilleur politique des électeurs. Et bien des confrères se bousculaient à ses causeries, certains par conviction, d’autres par “professionnalisme”. Pourquoi ce qui nous est permis ne l’est pas au Times ? Parce qu’il nous a brûlé la politesse pour interviewer “notre” chef terroriste ? Pourtant, il ne l’a même pas appelé “monsieur” Droudkel !

S’il y a une presse qui a inventé la “peopolisation” des terroristes, c’est bien la presse algérienne. Son patriotisme à la carte est fait de vigilance contre les perfidies des autres et de complaisance envers ses propres trahisons.

Quelques formules rédactionnelles nationales, pour mémoire :

- “Arrestation d’un… ‘émir’ : pourquoi un tueur décérébré promu au rang de “prince” par sa bande de crapules a-t-il droit à l’homologation médiatique de son titre ?

-”Le financier d’Al-Qaïda abattu” : a-t-on vérifié les références professionnelles d’un assassin qui, à l’occasion — tout comme l’ensemble de ses compagnons du crime — détrousse le citoyen sans défense aux fins de son entreprise meurtrière ? Et l’“émir” chargé de “l’orientation doctrinale” (parce qu’il sait rédiger une fetwa pour le prochain forfait), de “la communication” (parce que c’est lui qui transmet la cassette de l’attentat à Al-Jazeera…)

- “Remaniement dans l’organigramme du GSPC” : quels attributs managériaux prêtons-nous à un ensemble de meutes meurtrières et destructrices, certes, mais qui le font quand elles le peuvent là où elles le peuvent !

Passons sur les interviews exclusives des “repentis” qui n’en sont pas moins assassins que Droudkel, sur ce reportage de la télévision d’État qui filme un gentil repenti réduit à colporter de la marchandise dans un marché de gros et sur “la couverture”, parfois très professionnelle, du procès intenté par le chef terroriste Benaïcha contre El Khabar pour… diffamation.

À en oublier que les repentis, même rangés comme portefaix, qu’ils furent de l’AIS, du GIA ou du GSPC, restent des terroristes. Mais la réconciliation, c’est cela : oublier qu’un terroriste est un terroriste.
Quand on n’a pas été assez décidé pour crier au moment où il le fallait, même “seul dans le désert”, comme disait Brecht, il n’est pas très sain de faire la “vierge effarouchée” quand d’autres font “mieux” que nous !

Mustapha Hammouche

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