Trompe-l’oeil

Ce qui différencie la politique d’un pays développé de celle d’un pays du Sud, c’est, bien sûr, avant tout, son sérieux et sa durée dans le temps. Quand un projet mûrement réfléchi, pensé, soupesé, discuté et soumis à l’avis des experts comme à la volonté des élus, il est mis en chantier. Comme la démocratie l’exige, il y aura toujours dans les travées de l’opposition, des voix scandalisées qui dénonceront ledit projet et qui révèleront, à l’opinion publique, les intérêts politico-financiers qui sous-tendent l’entreprise.

Il y en a même qui ne manqueront pas de citer, chiffres et noms à l’appui, les heureux bénéficiaires qui récolteront les dividendes. Quoi qu’il en soit, si le projet est viable, il passera, mais s’il présente des risques, des dangers ou tout simplement s’il présente plus d’inconvénients que d’avantages, il sera vite abandonné et ses promoteurs seront vite appelés à d’autres fonctions beaucoup plus discrètes, en attendant que le fiasco de l’opération soit oublié.

C’est cela la démocratie. Elle a un prix. Récemment, à une émission radio consacrée aux dangers du tabagisme, un ancien ministre, toubib de son état, dénonçait avec véhémence la non-application des lois dans ce pays: «Les lois existent, elles sont parfaites, mais les appliquer est une autre affaire», disait-il à peu près. Il faut, au passage, applaudir le courage de ce ministre qui a mis implicitement en relief l’inanité de tous les exécutifs qui se sont succédé depuis quatre décennies.

C’est bien beau de voter des lois pour protéger l’enfant mineur, la femme, la veuve, l’orphelin, le consommateur qui est aussi le payeur, le contribuable, le résident, le voyageur, l’automobiliste, le piéton, l’environnement…mais aussi, il faut que l’appareil administratif mis en place pour faire appliquer ces lois (sans exception, bien sûr et sans dérogation, bien entendu!) joue son rôle.

Du chef du gouvernement jusqu’au garde champêtre, en passant par le wali et l’agent de police qui règle la circulation, tous doivent jouer pleinement leur rôle dans la défense des intérêts des citoyens et, par conséquent, dans l’intérêt de la nation.

Quand dans un système, un seul de ces facteurs ferme l’oeil pour permettre à un copain, à un coquin, à un partisan d’enfreindre la loi pour se remplir les poches, c’est toute une série de clins d’oeil qui vont se succéder du sommet jusqu’à la base ou vice versa. Et c’est ainsi qu’un beau jour, la société se réveille avec une corruption qui lui gangrène le corps jusqu’au cerveau.

Alors, on a beau organiser des journées contre le tabagisme, pour la protection de l’enfant, pour la célébration de la femme, ou pour planter des arbres, la réalité du terrain en dehors des grands boulevards et des zones protégées, jure avec le discours officiel.

A quoi bon ravaler des façades quand l’immeuble est miné de l’intérieur? A quoi bon une journée contre le tabagisme si des enfants mineurs vendent à la porte des établissements scolaires, cigarettes, pétards et pétards. C’est cela la politique du trompe-l’oeil, tout en faux-semblants!

Selim M’SILI

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