Africains, dites-vous ?

Belle après-midi la semaine dernière sur la pelouse en contrebas du monument aux Martyrs où quatre superbes Africaines prenaient le soleil. Sereines, joyeuses, détendues. Des étudiantes apparemment, au vu des classeurs étalés sur l’herbe. Une image simple et agréable, troublée soudain par une question de langage. Combien parmi vous auront compris qu’elles venaient de pays au sud du Sahara ?

Probablement 99,99% car, lorsque l’on dit chez nous « Africains », c’est bien ce que l’on comprend. Comme si nous ne l’étions pas ! Comme si une saute d’humeur de la dérive des continents nous avait bizarrement détachés d u nôtre ! En 1969, avec le Festival Panafricain d’Alger, nous avions réussi à nous « remembrer » à notre socle dans une combinaison rare d’allégresse, de culture populaire et de réflexions d’élites.

« Le plus grand rassemblement culturel de l’histoire du continent », selon Boukhalfa Amazit qui nous guide ci-contre dans une visite de la négritude, depuis ses premiers élans généreux jusqu’à ses cloisonnements stériles. Aimé Césaire, qui en fut l’un des principaux architectes, l’avait ressenti sans doute en écrivant : « Ma négritude n’est ni une tour ni une cathédrale », se gardant d’en faire un fort retranché ou une religion.

Le grand poète antillais vient de quitter ce monde et Mohamed Mediène a tenu à lui rendre hommage en suivant ses traces exceptionnelles (lire p. 23). Pour sa part, Benaouda Lebdaï s’est offert le livre collectif de vingt-trois intellectuels africains sur le Discours de Dakar du président Sarkozy et il nous en offre une lecture détaillée (lire p. 22).

Le même président vient d’annoncer d’ailleurs, dans le cadre de son programme global de rectification des tirs, que la traite des noirs et l’esclavage seraient inscrits dans les manuels des écoles françaises à la rentrée prochaine.

Tout cela pour nous mettre dans l’ambiance de l’année 2009 où, quarante ans après, le Panaf doit revenir à Alger quand Dakar organisera le Festival des arts nègres. Nous n’avons encore aucune information sur le contenu et les modalités de la manifestation qui se déroulera chez nous et le monde de la culture et des arts commence à s’impatienter, au risque de sombrer dans « l’aigritude » quand il pourrait, cela dit, prendre les devants et formuler des propositions et des projets.

En attendant, nous pouvons rêver « d’africanitude » pour, qu’à l’image de juillet 1969, la vision de quatre jeunes filles noires et superbes dans les rues d’Alger n’amène pas les passants à les qualifier « d’Africaines » mais à se demander si elles sont sénégalaises, kényanes, célibataires ou professeurs… Car en matière de culture, il n’existe pas de presbytie. Plus les distances augmentent et plus s’accroît la myopie des esprits.

Ameziane Ferhani

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