L’évolution de l’autoritarisme dans les pays arabes

Dans An-Nahar, le regretté Samir Kassir écrivait, deux mois avant son assassinat en juin 2005, que le monde arabe paraît convaincu d’être «à l’abri de tout changement alors que le monde change» ! En fait, prenant la mesure du risque que constitue ce vent de changement démocratique soufflant sur la planète, certains régimes arabes en place ont entrepris de s’adapter à cette nouvelle donne en modernisant leurs formes d’autoritarisme, tandis que d’autres sont restés hermétiquement fermés à toute ouverture.
Ainsi, à côté des régimes où l’autoritarisme cohabite avec un pluralisme sous surveillance (Algérie, Maroc, Jordanie, Egypte), existent des régimes fermés (Syrie, Libye, Tunisie, Arabie Saoudite) à toute ouverture politique.

Les premiers disposent de relais dans la société, de pseudo-penseurs s’échinant à construire et mettre en œuvre des thématiques politico-religieuses consistant en la mise en forme des idées dominantes légitimant les pouvoirs en place. Le tout sur fond de limitation des espaces d’expression. Et quand l’un de ces centres d’expression franchit les limites admissibles, la machine autoritaire se met en marche : en lieu et place de la prison ferme, voire de la torture comme c’était le cas dans les années soixante et quatre-vingt, il recourt à une forme de répression «douce», ne dérogeant pas trop aux règles du droit international, à savoir des procès publics avec des peines de prison légère assorties de fortes amendes.

C’est en cela que consiste la modernisation de l’autoritarisme saluée par des capitales occidentales comme étant un progrès dans la voie de la démocratisation. Il est vrai que ce type de répression au Maroc et en Algérie n’est rien en comparaison avec les très lourdes peines infligées, par exemple, aux opposants syriens ou libyens. Il n’en reste pas moins que dans le cas de l’Algérie et du Maroc, la répression, même douce, frappant des journalistes condamnés pour diffamation ou des syndicalistes pour faits de grève, ou consistant en l’interdiction d’activité politique publique pour l’opposition, constitue un des moyens par lesquels le régime autoritaire tente de contenir le vent du changement démocratique.

D’aucuns se demandent ce qui finalement retient les régimes marocain et algérien à ne pas recourir à une répression identique à celle en vigueur en Libye, en Tunisie ou en Syrie ! Pour aller vite, car la réponse suppose de longs développements, disons que ces régimes sont prisonniers d’une certaine logique démocratique qu’ils essaient de faire leur afin d’être des partenaires fréquentables et écoutés de leurs partenaires occidentaux.

Et puis, ils ont affaire à des peuples — surtout en Algérie — où quoi qu’on en dise, n’acceptent plus les logiques répressives, des peuples qui expriment sous diverses formes leur refus à l’autoritarisme à l’ancienne, et ce, même si cette expression n’est pas organisée et relève de la colère sociale à l’état brut ! Qui plus est, les régimes autoritaires savent lâcher du lest, caresser dans le sens du poil populaire les masses socialement mécontentes, récupérer leur colère et la retourner contre les élites porteuses des valeurs de modernité et de démocratie, manipuler les organisations de masse et des partis créés pour faire de la figuration, et ce, dans un contexte d’espace d’expression réduit où seule leur voix est entendue. Ils savent que des journaux aussi irrévérencieux soient-ils envers l’ordre établi ne peuvent concurrencer des médias lourds (TV et radios) contrôlés par l’Etat.

Dans tous les cas, que ce soit en situation de régime autoritaire cohabitant avec un pluralisme réduit ou en situation de régime autoritaire fermé, le processus de stagnation et de déclin des sociétés arabes et musulmanes ira en se renforçant. Quant à ces pays croulant sous les dollars procurés par l’exportation des hydrocarbures en raison d’une exceptionnelle conjoncture pétrolière, il suffit d’observer que cette croissance exclusivement financière n’est pas durable, elle est fragile, parce qu’elle n’est pas le résultat de réformes structurelles innovantes et démocratiques.

Hassane Zerrouky

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