Le pied central du trépied
L’Algérie, enfant grandi trop vite mais jamais réellement arrivé à l’âge adulte, a toujours marché sur trois pieds. Ni bébé ni adulte, ni rampante ni debout, elle a cette démarche cahoteuse, ce déhanchement particulier et presque sensuel qui fait qu’elle boite continuellement tout en avançant pourtant.
Parce que le trépied, figure pourtant très stable, possède dans sa conception un problème de taille. Il suffit en effet que l’un des pieds prenne le pas sur les deux autres pour que tout bascule. La redéfinition des pouvoirs étant permanente, l’Algérie titube sans tomber. Pendant la guerre d’Indépendance, l’Algérie fonctionnait déjà comme un trépied, avec l’armée de l’intérieur d’un côté, et de l’autre les politiques de l’extérieur et les services de renseignements.
L’Algérie a fonctionné suivant le même principe à l’indépendance, l’armée d’un côté, la Présidence et la Sécurité militaire aux deux autres extrémités. Aujourd’hui, la figure n’a pas changé, à part que le Président parle un peu plus et que les services ont changé de nom. Pour les plus naïfs, l’Algérie fonctionne aussi suivant trois pieds, l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Pour les plus légalistes, l’alliance fonctionne pareillement, avec le FLN, le RND et le MSP.
Pourquoi ces figures à trois ? Parce que quand on est trois, on peut toujours se mettre à deux contre un et surtout, on évite l’affrontement binaire qui oblige à se regarder en face. Sans rentrer dans les détails, par exemple de savoir qui joue le rôle du troisième pied calé entre les deux autres et assure la fonction de fécondation, il faut se pencher sur la sortie de Ouyahia, l’un des pieds, qui en tirant sur le premier pied, veut déséquilibrer l’ensemble. Veut-il jouer le pied central ? Ou faire que l’Algérie marche comme tout le monde sur deux pieds, droite et fière, avec pour seule ligne d’horizon le futur ?
Chawki Amari
