Limites

Le premier ministre turc sortant a réussi son pari. Son parti l’AKP a en effet remporté les élections législatives anticipées de dimanche. Un double succès puisque, remarque-t-on d’ores et déjà, c’est la deuxième fois depuis cinquante ans qu’un parti au pouvoir succède à lui-même, mais surtout améliore son score. Mais à quoi tient un tel succès ? En 2002 déjà, l’AKP, comme les autres partis de la mouvance islamiste depuis 1995, avant qu’ils ne quittent la scène politique réoccupée par les nationalistes, a su profiter des faiblesses de la classe politique sortante usée par le pouvoir, et laminée par ses propres divisions. C’est aussi son bilan surtout économique avec une croissance jamais atteinte auparavant, et surtout pour un pays comme la Turquie, la fin ou moins de détournements ou de faillites frauduleuses. De ce point de vue, patronat et milieux financiers en sont satisfaits, même si les retombées sur la population se font attendre. Et si M. Erdogan a pris le risque de convoquer des élections anticipées, ce n’est certainement pas pour dénouer une crise politique et institutionnelle ; c’est qu’il était sûr de son coup. La preuve, disait-il à ses adversaires qu’il invitait à en faire autant, « je quitterai la scène politique si l’AKP ne gouverne pas seul. » Mais qu’en est-il de ses adversaires poussés vers la sortie, cette fois par leurs propres partisans ? cela relève strictement de la cuisine interne. Quant à M. Erdogan, plus rien ne l’oblige à quitter la politique. Il revient au contraire avec de nouveaux arguments. Ces 46,4% de voix, ou encore les 340 sièges sur les 550 que compte le parlement unicaméral, sont-ils une garantie pour l’avenir ? Il est loin des deux tiers des sièges qui lui auraient permis de réformer la Constitution, et faire élire seul son candidat à la présidence de la République. Les résultats montrent que l’armée « doit totalement cesser d’intervenir dans la politique », soulignait hier le quotidien Aksam à propos de cette institution. Mais on a souvent tendance à oublier que la Constitution a fait de l’armée son propre garant. C’est ce qui explique ses interventions dans le champ politique qui sont autant de rappels à l’ordre, ou de lignes rouges à ne pas franchir par le pouvoir en place. Les différents partis le savent, comme ils savent que de telles limites restreignent inévitablement leur marge de manœuvre. Encore que là, des questions sont soulevées quant au rapport entre cette institution et la mouvance islamiste, et sur la première en tant que telle puisque des frictions sont apparues à l’occasion d’un débat sur la lutte contre les séparatistes du PKK, M. Erdogan s’opposant à toute incursion en Irak. Comment, dans de telles conditions, dénouer la crise actuelle ? M. Erdogan s’affiche comme l’homme du compromis, mais jusqu’où, ou encore à quel prix ? Toute la question est là, et déjà de telles interrogations relativisent la victoire de l’AKP. Il a déjà renoncé à lever l’interdiction du voile. Il a aussi fait oublier certains de ses engagements de 2002, comme le jugement des corrompus et de tous ceux qui ont détourné l’argent du contribuable. L’automne s’annonce chaud.

T. Hocine

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