Qu’est-ce qui fait courir les procès ?
Une série de procès pour terrorisme vient de débuter, coïncidant avec une cascade déjà bien entamée de procès pour détournement et corruption.
À Blida, à Oran, à El-Harrach des scandales financiers attendent l’issue des délibérations. D’autres devraient suivre à Alger, Annaba, Blida, Birmandreis et ailleurs.
À Boumerdès, à Béjaïa et à Alger des procès de terroristes notoires se tiennent au cours de la session criminelle en cours. Et il n’est pas question de temporiser. Les ajournements sont rares, comme si l’on voulait faire de l’an 2007 l’année de tous les procès. Quand le président du tribunal de Sidi M’hamed, qui devait juger un groupe de vingt-deux membres du GIA, consentit à renvoyer l’affaire dite du “borgne”, le procureur a insisté pour que le procès se poursuive, malgré l’étrangeté de la situation : la moitié des membres du groupe avait été libérée dans le cadre de la mise en œuvre de la loi pour la paix et la réconciliation. Le parquet est-il instruit de s’employer à hâter le jugement de ce genre d’affaires ?
Ce qui n’est pas sans rappeler la révélation de la présidente du tribunal d’avoir été soutenue à bras-le-corps par le procureur qui “pendant quinze jours”, disait-elle, lui a tout expliqué sur le dossier Khalifa. Ce n’est peut-être pas une démarche orthodoxe qu’un juge s’appuie sur l’exégèse d’une partie, en l’occurrence le parquet, pour s’imprégner d’un dossier, mais cela dénote au moins que le ministère public a fait montre d’une grande disponibilité pour ouvrir le procès.
Certains procès de terrorisme concernent des éléments qui sont encore en activité. Se déroulant en l’absence des inculpés pour des faits, donnant l’impression de n’avoir qu’une finalité médiatique. La condamnation par contumace de Belmokhtar et Hattab à la peine capitale fait contraste avec l’élargissement massif récemment accordé à leurs compères. On relâche ceux qu’on a arrêtés et on condamne ceux qui sont encore en cavale. En matière de justice, la diligence est certes une vertu. Et, ici comme ailleurs, mieux vaut tard que jamais. Mais cette frénésie pour le jugement d’un type de dossiers qu’on a longtemps laissé sommeiller a quelque chose de curieux.
Tous les pouvoirs se défendent de politiser la justice et se défendent, à l’occasion, d’organiser des procès politiques. Mais il est convenu que la manière dont se manifeste la justice est politique. Sa diligence ou, au contraire, sa nonchalance, son équité ou, au contraire, sa partialité, relèvent moins de contraintes objectives que de la volonté politique du régime.
Il est peut-être trop tôt pour conclure sur les raisons de cet empressement judiciaire qui, encore une fois, est positif en soi. Mais n’étant pas accoutumés à la neutralité des institutions et de leur conduite, cette soudaine ardeur judiciaire ne pouvait que nous interpeller.
En attendant de pouvoir l’interpréter.
Mustapha Hammouche