LE CHRONOMETREUR !
«2 terroristes tués dans l’explosion d’une bombe qu’ils s’apprêtaient à poser.»
Echah !
Ça s’est déclenché ce jeudi ! Je suis sûr du moment où ça a eu lieu, car c’est en achetant Le Soir d’Algérie de ce jeudi que tout est parti. En Une de mon canard, en titre gros, gras et jaune fluo, y avait écrit ceci : «Bouteflika, 30 minutes à Boumerdès.» Et c’est à ce moment précis que je suis devenu vert de jalousie !
Ainsi donc, dans ce journal où l’on ne me dit jamais rien, il y a une personne qui a un job encore plus planqué que le mien. Au Soir, y a quelqu’un que je ne connais pas encore, mais que ma jalousie maladive et dangereuse me fera découvrir tôt ou tard, qui est payé pour le plus pénard des boulots, le plus vernis des tafs, le plus pépère des plans travail, celui de chronométrer avec minutie les sorties de Abdekka. Mince alors !
Pendant que nous autres, mineurs de fond dans ce grand quotidien nous nous foulons la rate et le reste tous les jours à pondre nos reportages, couvertures et chroniques, y a un Judas, un fayot du dirlo qui a réussi à décrocher le job de rêve. Muni d’un chrono High Tech, l’arme du délit, il guette Abdekka à la sortie de son palais. Dès qu’il l’aperçoit, il déclenche le mécanisme et ne l’arrête que lorsque le même Boutef’ achève sa sortie et rentre chez lui.
Je le voyais déjà un peu venir ce chronométreur. L’autre jour, le 8 mars, journée de la femme, il avait donné un aperçu de son «boulot» en titrant en Une «Bouteflika devant les femmes, 10 minutes de discours !» Tout de même ! Y en a qui sont nés avec une cuillère en or dans la bouche. Ils ne se préoccupent de rien. C’est tout juste si notre gus doit faire l’effort de vérifier l’état des piles de son chronomètre, les tester, voir si elles sont bonnes, chargées à bloc, afin d’éviter qu’elles ne le lâchent pendant une «couverture».
Imaginez un peu la cata si le journal se voyait contraint, suite à une défaillance ou à une négligence du chronométreur, de titrer «Bouteflika face aux walis, un discours de 12 minutes 46 secondes, le reste n’ayant pu être chronométré faute de piles nous nous en excusons auprès de nos lecteurs en attente de ce genre d’informations capitales».
En plus du fait que ce genre de titres soit horriblement long et quasiment impossible à caser en Une, nous donnerions de nous l’image d’un journal pas très sérieux. Et ça, jamais ! Plutôt fumer du thé et rester éveillés à ce cauchemar chronométré qui continue.
Hakim Laâlam