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02 juin 2007

Le Chasseur et ma grand-mère

Ecrit dans : Aut nihil

J’ai marché dans les rues de ma ville. Pour la première fois je n’ai pas remarqué la poussière sur les ruelles et trottoirs. Je n’ai pas remarqué les fuites d’eau interminables. Je n’ai pas remarqué également les poubelles accumulées. Et pourtant elles sont toujours là.

Elles accueillent si bien les chats errants et surtout les rats qui commencent à disputer l’espace citadin à l’homme. Serait chose étonnante de ne pas les retrouver chaque matin. Une cinquantaine de mètres séparent l’une de l’autre et parfois, eh oui même les poubelles, cohabitent.

Ce qui a attiré mon attention c’était les murs de ma ville. Tout sales à cause des grattements de ces hommes qui avaient tenté d’enlever les portraits des candidats aux élections affichés n’importe où. Sur des espaces privés, des façades de maisons, des poteaux électriques, des arbres…

Le vote est fini. Leurs traces sales sont toujours là comme à chaque scrutin avant et après. Leurs traces sales, pas seulement sur les murs de nos villes, mais aussi dans leur travail pendant leurs mandats. L’activité politique s’arrête là. N’est-ce pas que la compagne électorale est finie ? C’est là que s’achève la vie politique.

« Ils siègeront comme des princes au parlement », me dit ma grand-mère ancienne moudjahidate et veuve de chahid qui n’a pas voté depuis déjà longtemps. Tout comme notre voisine qui me fait rire quand elle se révolte contre ces chasseurs de sièges, ma grand-mère commence à acquérir une certaine conscience politique et dit avoir été idiote d’avoir cru à leurs balivernes depuis l’Indépendance.

Ma grand-mère se révolte parce que son voisin député vit dans une belle villa avec un large jardin. Elle se révolte parce qu’elle vit dans un gourbi. Elle pleure et dans un accès de colère s’indigne de la bravoure de Si Rabah son mari, qui zaâma s’est immolé pour que l’Algérie soit libérée. Ma grand-mère vit sous la chaleur des temps estivaux et celle des climatiseurs de Monsieur le député. Ils dégagent une de ces chaleurs infernales lorsqu’elle fuit le toit couvert de plaques d’acier de sa maison pour venir dehors essayer de respirer un peu d’air frais. Notre chasseur ne lui permet même pas de respirer de l’air frais.

« Eux au moins ils sont morts », me dit-elle entre deux larmes quand elle me racontait ses aventures aux maquis et celles de son mari. C’est nous qui vivons l’indignité mon fils, ajouta-t-elle.

Noufèl


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