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20 septembre 2008

Le bouc émissaire

Ecrit dans : Chronique judiciaire

Un détenu s’évade des «Quatre ha», Liès B., le greffier va être sacrifié sur l’autel de…

Un détenu des «Quatre ha» d’El Harrach se fait la belle. L’administra-tion pénitentiaire a vite fait de trouver un bouc émissaire présent à la barre face à Oussaïd, ce doux président de la section pénale.
Les oreilles de chien battu, la mine défaite, ce greffier tant estimé, la preuve, il a en outre, le chevronné Maître Hadj Chérif Chorfi, le membre du conseil de l’ordre Tahar Kheyar, l’indomptable Maître Amine Sidoumou et la douce Maître Saïda Touati, comme défenseurs venus au tribunal crier leur douleur, dénoncer la vie exécrable des détenus qui n’ont plus droit à la climatisation, juste de quoi voir le sourire innocent de Mokhtar Falioune, le boss national des taules, se métamorphoser en grimace, signe d’échec de toute une politique.

Même les nombreux incidents relevés les jours de visite ont été énoncés à la malheureuse Faïza Mousrati, la procureure qui attend un bébé cette semaine…d’où son attitude désinvolte qui voulait presque signifier: «Allez-y, Maître, chantez, il restera toujours un refrain d’oublié.»

Il est vrai que cette douloureuse histoire a fait de gros dégâts moraux. Voilà un détenu qui s’échappe par un vasistas, haut situé, un détenu qui se constituera deux jours plus tard, prisonnier presque en riant au nez et à la barbe de l’administration. Au fait, sont-ce des humains qui ont la charge des détenus? Les matons sont-ils des hommes et des femmes issus de familles ordinaires? Le quatuor d’avocats avait beau signaler à Oussaïd, le juge, de fâcheuses situations, rien n’y fit.

Le président était comme hypnotisé. Il écoutera longtemps Maître Chorfi qui ne laissera rien à dire à ses collègues.

Et lorsque l’avocat de Bab El Oued s’échine à poser des questions sur et autour de la marche et de la démarche de nos prisons que le défenseur à la barbe blanche se refuse de prononcer les mots: «Etablissement de rééducation.» Il aura presque envie de dire le mot «bagne», mais comme il ne l’avait pas en langue arabe, lui le francophone, il s’est arrêté aux «soudjoune-affreux.»

Entre-temps, Oussaïd avait la bonne idée de questionner Liès Bennameur, le greffier qui trame derrière lui dix-sept années de vie avec les détenus, sur son rôle dans la malheureuse évasion, il ne retiendra presque rien. Et même lorsqu’il faisait répéter les déclarations du détenu, on avait cette sacrée sensation que le président allait vers un verdict qui va casser la carrière de Liès.

Mais comme Oussaïd était venu de Tizi Ouzou, précédé d’une solide réputation de magistrat honnête, certes, sévère, c’est sûr, mais jamais aux ordres. Donc, cette histoire de délit qui dit son nom: laisser-aller qui a permis à un détenu de prendre le large, délit qui relève d’une affaire intérieure aux «Quatre ha» entre autres.

D’ailleurs, à l’énoncé sur le siège, du verdict, les avocats, tous les avocats, surtout ceux qui évoluent à El Harrach, Rouiba, Hussein Dey, ont laissé la colère éclater: «Il lui a brisé les reins. Il ne remettra plus les pieds aux “Quatre ha” à partir de ce lundi», dit, amer un bonze de la place d’Alger.

Effectivement, si en appel, Liès n’est pas relaxé, sa carrière est foutue, bel et bien fichue…
Maîtres Chérif Chorfi, Saïda Touati, Sidoumou et Tahar Kheiyar, survoltés à travers leurs efficaces interventions, ont administré une véritable «raclée» à la réforme de la justice, présentée comme une réforme du carrelage, de vitrine pour les visiteurs où le banal surplombe le solide, où l’ornement extérieur prédomine…

Défendant un employé des «Quatre ha» d’El Harrach, inculpé et détenu pour laisser-aller ayant permis à un détenu de s’échapper, les orateurs l’ont présenté comme innocent et victime en même temps car, dans tous les cas de figure, le détenu n’est pas sorti par une porte ni une fenêtre mais à travers un vasistas sans grille de sécurité.

«Où est la responsabilité?», s’est écrié Maître Chorfi, relayé par Maître Touati qui a dit que son client n’était nullement responsable. «Quel est son tort? l’évadé n’est pas sorti par la porte ni par la fenêtre», dit-elle, le visage ferme. C’est Maître Kheiyar qui a rappelé que l’évadé, une fois repris avait déclaré qu’il avait passé le vasistas et s’était faufilé avec les visiteurs, Maître Sidoumou a, lui, flétri les pseudo-responsables qui ne vont jamais au fond dans la rénovation de la prison: «Rire, on a trop parlé d’une fenêtre alors qu’il s’agit d’un simple vasistas.» On ne fait même pas de différence entre deux réalisations d’une pièce.

«Ceux qui ont pensé qu’il fallait bien un pauvre bougre pour payer cette faute professionnelle devraient prendre leur retraite.» Liès Benameur va outrepasser les demandes du parquet deux ans ferme pour «atterrir» sur un trois mois de prison, assortis du sursis. Ce fut vraiment un procès de «gala» avec quatre ténors du barreau d’Alger et un chef d’orchestre nommé Oussaïd.

Abdellatif TOUALBIA


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