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22 juin 2008

La comédie de vie publique

Ecrit dans : Contrechamp

Des députés ont posé la question au ministre de l’Intérieur sur la fermeture qui s’éternise de la route nationale 24 entre Dellys et Tigzirt, malgré “la paix revenue”. Celui-ci a clairement répondu, par son ministre délégué, que la présence de terroristes empêche d’envisager de rouvrir ce tronçon au passage des véhicules.

La continuité de la circulation sur le littoral algérien reste donc condamnée pour insécurité. Mais le ministre de l’Intérieur aurait pu exercer son sens de la réplique en observant que les rues, qui bordent l’Assemblée nationale et le Conseil de la nation, sont aussi fermées à la circulation pour les mêmes raisons.

De lourds bacs en béton et des barrières d’acier condamnent ces artères et d’autres, sans qu’il ne vienne à l’idée d’aucun élu de s’étonner de cette paradoxale obstruction aux libres allées et venues des habitants d’Alger et de ses visiteurs.

N’est-ce pas d’abord aux responsables de se mettre en conformité avec le slogan de “la paix revenue” qui légitime leur autorité malgré l’échec généralisé de leur gestion ?

Ce dialogue maison entre une institution elle-même barricadée et une autre qui serait chargée de gérer les écluses sécuritaires illustre la comédie politique qui nous tient lieu de gouvernance. Le gouvernement interpellé par l’Assemblée !

La presse, dans ce rôle d’utilité publique, joue le jeu de répercuter l’intensité de cette vie institutionnelle en relayant les indiscrétions de Belkhadem sur la présence de Bouteflika au sommet de l’UPM ou le point de vue de Ouyahia sur la révision de la Constitution. Pourtant, la règle est que les Algériens ne soient pas informés des intentions de son pouvoir. Pas avant qu’on ait besoin de nous pour voter ou pour applaudir.

Mais malgré cet ordre d’incommunication, le pouvoir jouit d’une vie médiatique qui laisse croire à une existence politique active et qui, en même temps, le dispense de s’exprimer et de s’engager. La presse se pose les questions et y répond, avec la précaution qu’impose un état de sursis suspendu au-dessus de tout éditeur et de tout journaliste. Cette menace sourde qui pèse sur la fonction de presse l’amène, en règle générale, à s’interroger sur ce qu’elle ne sait pas et à oublier de dire ce qu’elle sait.

On sait, par exemple, que le pouvoir n’est pas en situation d’ouvrir la route Dellys- Tigzirt, comme les députés ne sont pas en situation d’ouvrir leur forteresse au citoyen supposé avoir droit d’assister à leurs délibérations.

On sait qu’on nous dira, le moment venu, qu’il y a de bonnes raisons patriotiques d’assister ou non à la réunion constitutive de l’UPM ; soit qu’il n’est pas question de dilapider notre histoire ou de sacrifier la cause palestinienne ; soit qu’il est question d’imposer le point de vue national dans ce projet déterminant pour l’avenir de la région ou de refuser la politique de la chaise vide…

Qu’importe les vraies raisons du oui ou du non : nous aurons de bonnes raisons d’applaudir l’option qui sera prise, le moment venu. Il y a bien eu des raisons d’applaudir au projet de traité d’amitié, puis des raisons de le dénoncer !

La vie médiatique du régime, ainsi ordonnée, fait du vent pour compenser le vide politique. Un vide où tout le monde fait semblant de savoir et d’agir, alors que tout le monde attend, comme nous, de savoir et de subir.

Mustapha Hammouche


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