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20 juin 2008

III.- 19 juin 1965, le sursaut des patriotes

Ecrit dans : Chronique d'un été méditerranéen

De toutes les fêtes nationales, le 19 juin est la seule qui a été supprimée officiellement ! Réduisant la portée de cet événement historique à un simple soulèvement militaire contre un pouvoir légitime, beaucoup avaient applaudi à cette décision, considérant qu’il était absurde de continuer à fêter un «coup d’Etat». S’il appartient à l’histoire de juger cet épisode marquant de l’Algérie d’après l’indépendance, il faut savoir que nous sommes très nombreux — Dieu merci !— à penser le contraire.

Et, chaque 19 juin, contre vents et marées, nous continuerons à célébrer ce sursaut salutaire… Et si nous reparlons aujourd’hui de «réajustement révolutionnaire », c’est parce que nous considérons que ce changement a mis fin à l’aventurisme et aux errements, en permettant au pays de retrouver les vraies valeurs de la Révolution algérienne. Le pouvoir précédent avait beau clamer qu’il inscrivait son action dans le cadre des orientations de cette même révolution, le flou idéologique qui entourait le programme socio-économique — on naviguait entre l’islamisme et le communisme — et la réalité du terrain prouvaient le contraire.

En outre, l’absence de cohésion entre les différents clans, le pouvoir personnel, les différentes crises ayant surgi au lendemain de l’indépendance, nées de problèmes non réglés auparavant et l’influence des penseurs étrangers considérant l’Algérie comme un laboratoire d’essai pour leurs doctrines, avaient assombri le tableau au point de créer les condition d’une implosion qui aurait tout emporté ! Il fallait agir. Dépourvu de la légitimité historique d’un Boudiaf ou d’un Aït Ahmed, Boumediene avait pour lui l’expérience acquise en tant que chef d’état-major de l’ALN et une certaine influence sur les troupes dans un pays où la seule force organisée qui pouvait imposer l’ordre et préserver l’unité nationale était l’Armée nationale populaire.

N’est-ce pas cette même armée qui, au lendemain de l’aventure électorale de 1991 et avec l’appui de l’élite éclairée du pays, avait stoppé un processus qui risquait d’emporter la république et la démocratie naissante ? Les islamistes continuent également de parler du «coup d’Etat» de 1991… S’appuyant sur une équipe qui répondait à ses yeux au besoin impérieux de garantir l’équilibre régional, Boumediene prit ses responsabilités historiques ! L’une des actions les plus urgentes était de ramener l’ordre dans plusieurs régions qui avaient basculé dans la violence, voire la guerre civile.

Ensuite, il fallait doter le pays d’institutions viables. De la commune à la plus haute marche de l’édifice institutionnel, toutes les responsabilités étant occupées par des délégués non élus ! Ce furent les codes communaux et de wilaya, avant la création, onze années plus tard, du poste de président de la République. Certes, les listes étaient uniques et présentées par le FLN et le vote s’apparentait beaucoup plus à un référendum, mais l’impératif d’unité et les nécessités de l’heure exigeaient que l’on remette à plus tard les joutes électorales traditionnelles.

Parer au plus pressé, aller droit vers les objectifs assignés et ne point s’embarrasser de coquetteries bourgeoises : voilà l’urgence pour Boumediene et pour toute une génération qui avait compris que l’édification nationale imposait parfois des choix douloureux, pas toujours en conformité avec l’idéal démocratique. Question de priorités. Cependant, et malgré toutes les insuffisances, je peux témoigner que, parmi les «élus» de l’époque, il y avait plus de compétence et, surtout, d’honnêteté que chez certains représentants issus des votes «démocratiques» !

Cela ne veut pas dire que la liste unique est meilleure que le système des candidats multiples : ce serait une grossière bêtise que de l’affirmer. Néanmoins, lorsque la «démocratie» ressemble à une farce, lorsqu’elle est utilisée pour asseoir le pouvoir de l’argent et du copinage, lorsqu’elle permet à des analphabètes et des corrompus d’occuper les sièges des assemblées élues, que l’on nous permette de lui préférer le système révolutionnaire.

En attendant, bien sûr, que la vraie démocratie s’installe. Mais quand ? Le jour où viendra Godot… Sur le plan économique, la vision était claire dès le départ : pour mener à bien les futurs plans de développement, il fallait maîtriser les richesses nationales qui étaient aux mains des firmes étrangères. Ainsi est née la politique de récupération de ces richesses et des gros moyens de production. Ce furent les étatisations des mines et des sociétés de distribution des produits énergétiques, long processus qui culmina avec la nationalisation des hydrocarbures.

Ce fut une harassante reconquête des biens du peuple, menée par des hommes debout, des patriotes comme on n’en fait plus et qui végètent aujourd’hui, vivant de maigres retraites ! Qu’ils soient remerciés pour tout ce qu’ils ont fait, au nom de cette génération qui accéda au savoir et au bien-être grâce à leurs sacrifices. Ces bâtisseurs, moudjahidine de la reconstruction nationale, ont droit à la reconnaissance de la nation et s’il faut continuer à honorer ceux qui menèrent la lutte armée, il ne faut jamais oublier ces femmes et ces hommes qui étonnèrent le monde par leur savoir-faire, leur intégrité et l’immense espoir qu’ils soulevèrent au sein de leur peuple.

Oui, nous avons rêvé sous Boumediene et c’est ce rêve qui manque à nos jeunes d’aujourd’hui, confrontés à des horizons qui s’obscurcissent chaque jour un peu plus. Le 19 juin 1965 nous a rendu notre dignité d’Algériens, cette dignité née en 1962 mais qui fut très vite mise à rude épreuve. Lorsque je vais dans n’importe quelle région d’Algérie, les jeunes me demandent de parler abondamment des années soixantedix. Ils en tirent une fierté absolument surprenante.

Car, depuis la mort de Boumediene, tout a été fait pour noircir son règne et l’accabler de tous les maux ! Tout a été systématiquement organisé pour que son nom disparaisse de l’histoire de ce pays. Mais on ne tue pas une légende et cette soif d’en savoir plus sur ces années de l’espoir est le signe éloquent de l’échec de toutes ces tentatives. Oui, vous avez échoué car Boumediene est plus vivant que jamais dans les mémoires et les cœurs des millions.

Bien plus tard, quand l’Etat était devenu maître des richesses de la nation et des principaux outils de production, quand les premiers plans de développement créèrent un minimum d’infrastructures et permirent à l’homme algérien de sortir peu à peu de l’immense désolation dans laquelle il se trouvait, Boumediene clarifia ses choix idéologiques, en optant pour un socialisme spécifique, c’est-à-dire adapté à nos réalités nationales.

Mes amis communistes en riaient hier et des confrères continuent de trouver cette conception ridicule. Personnellement, je ne trouve rien d’anormal à cette notion car le socialisme n’est pas une science exacte, ni une potion magique applicable de la même manière partout, une pharmacopée sortie des laboratoires du prêt-à-penser chers à certains ! L’autogestion de Tito était un socialisme spécifique à la Yougoslavie.

La pensée de Mao Tsé Toung (priorité à la paysannerie dans la lutte révolutionnaire) était un socialisme spécifique à la Chine. Mais, dès qu’il s’agit de l’Algérie, ça devient rigolo ! A ceux qui veulent connaître davantage le socialisme spécifique algérien, il y a lieu de relire la Charte nationale de 1976, produit de l’une des plus grandes opérations de démocratie directe qu’ait connues le monde ! Des milliers de rencontres populaires se déroulaient partout dans le pays et la télévision sortait des studios pour en retransmettre le plus grand nombre possible.

N’importe qui pouvait entrer dans une salle et prendre le micro. On pouvait tout dire. Tout, tout, tout ! Et l’ENTV peut le prouver si elle décide, un jour, d’ouvrir ses archives et de programmer ne serait-ce que l’un de ces rassemblements. Mais notre chère «Unique» semble préoccupée par un exercice d’un autre style : manipuler et intoxiquer les téléspectateurs, au point de mépriser les Algériens d’ici et d’ailleurs en leur refusant la retransmission du dernier match des Verts. Une question d’argent ? Dites-le à d’autres…

(*) J’avais parlé de ces harraga que nous avons vus partir dans une barque de fortune, un jour de février 2008. Ils n’atteindront jamais les côtes sardes. Disparus, leurs corps viennent d’être repêchés il y a quelques jours : quatre sont de Annaba, deux de Aïn Defla. Qu’ils reposent en paix. Du temps de Boumediene, il y avait zéro harraga !

Maâmar FARAH

- La semaine prochaine : la suite de notre chronique sur le 19 juin.


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