Légitimes interrogations
Si les derniers développements autour de l’information sécuritaire ont valu à deux confrères étrangers leur accréditation et à leurs employeurs d’être privés d’une présence en Algérie pour n’avoir pas su en temps réel maîtriser une situation, certes difficile et complexe, il y a cependant un chantier national pressant. Ce dernier a été signalé dans ce quotidien (1). Il est urgent par exemple de se pencher sérieusement sur une inflation de titres qui place Alger largement en tête des capitales en ce qui concerne les journaux du matin. Le paradoxe, face à des critères universels, en fonction du nombre d’habitants, du taux d’analphabètes, du coût de la vie, est saisissant.
A l’approche de la fin du mandat présidentiel dont l’issue a donné et donne tellement de scénarii dignes de Hollywood, il n’échappe à personne que l’opacité, l’immobilisme parfois manipulé, le ralentissement, et dans des secteurs «la sieste» prolongée, interpellent le premier magistrat à un moment peu propice au consensus, à une croissance hors pétrole et où le terrorisme n’est pas éradiqué définitivement permettant le développement cancérigène d’intolérances, de décisions rétrogrades dont le pays n’a nul besoin alors que la mondialisation broie tous les retardataires. Les opposants légaux, les commentaires dans la presse ici et ailleurs, de l’intérieur du pays où des choses se font, loin des officialités qui accentuent jusqu’à la caricature une image fausse d’un pays privé de libertés, des voix interpellent M. Bouteflika qui détient tous les pouvoirs pour imprimer des accélérations.
Celles-ci ne seront réellement senties que sur la base d’un consensus, d’un compromis historique avec toutes les forces porteuses de modernité, de savoirs, de compétences et d’ouvertures sur le monde contre les archaïsmes, le passéisme et tous ceux qui se servent de la religion, qu’ils salissent en l’enrôlant dans les espaces politique, privé et même dans… la médecine. On lui demande de dire, de trancher pour ce qui concerne des problématiques majeures pour l’Algérie.
M. Bouteflika, en fonction de la société algérienne d’abord, et ensuite au regard des tensions, des contraintes et des évolutions qu’imposent les grandes puissances, des émeutes de la faim planétaires, de la disparition objective de ce que, dans un passé récent, on désignait par de vagues rassemblements africains, maghrébins, tiers-mondistes, non alignés, pays exportateurs de pétrole, est interpellé. Non pas parce que le pays est une grande puissance industrielle comme l’Allemagne, nucléaire comme la Chine ou l’Inde, culturelle comme la France, le Japon ou les Etats-Unis.
Mais parce que l’Algérie est une mémoire de luttes, de résistances, d’énormes sacrifices, de réformes perdues en route, de rentes prédatrices, d’un informel rayonnant et arrogant sur 4X4, de corruption dénoncée chaque jour. Mais cette mémoire, dont M. Bouteflika nolens volens a hérité, doit servir, comme elle est, avec sa face rose et l’autre douloureuse ou peu reluisante. La situation interne est largement dépendante du contexte mondial, si peu expliqué aux Algériens et qui pèse sur les grands pays mieux armés et décideurs pour la planète. Sans parler des Etats-Unis qui abordent la fin du mandat du président le plus incompétent de l’historie américaine.
L’informel est maître du pays. Il dirige l’économie, influe sur les décideurs de la base au sommet, alors que le facteur temps ne joue pas en faveur de M. Bouteflika. La rente et ses ramifications déploient sans rougir leurs capacités de nuisance et leurs forces de frappe aujourd’hui, en Algérie. Le voisinage immédiat est réellement un grand acteur de blocage pour l’Algérie. C’est chacun pour soi, et c’est de bonne guerre, pourvu que le gouvernement algérien en tire les conclusions en disant les choses comme elles sont et non plus comme le voulaient «les rêveurs» du mouvement national maghrébin.
Les capacités de nuisance du Maroc sur le Sahara occidental, de la Libye autour de toutes les questions du Sahel, de tous les trafics, de mouvements armés, du million de touristes algériens chaque année en Tunisie (c’est leur droit absolu devant l’intégrisme, l’intolérance orchestrés en Algérie) faussent toutes les initiatives et oblitèrent toutes les espérances communes au niveau des peuples de la région. Au plan politique intérieur, après le renvoi au néant de l’ex-FIS, les questionnements envoyés à M. Bouteflika sont légitimes quant à la réalité sur le terrain de la réconciliation, du respect de la Constitution sur les libertés religieuses, sur la cohabitation ancienne des trois religions révélées.
A ce niveau, l’hommage rendu à des militants de l’indépendance algérienne, d’origine non musulmane et sa manipulation tous azimuts méritent encore une mise au point claire, ferme et opératoire alors que la Présidence a manifesté ouvertement son respect et son hommage à Audin et ses amis morts pour une Algérie indépendante. Comment un hommage à ce niveau a pu être dévoyé pour caricaturer tout un Etat, toute une société et l’ensemble des combattants et leur descendance ?
La presse et les médias étrangers ont pris en charge le procès (oui, il y a eu procès) de Habiba, détentrice d’exemplaires de la Bible, sans aucune réponse publique des partis de la majorité présidentielle, indexée au compte de M. Bouteflika. Que dirions-nous à des gouvernants occidentaux si des Algériens étaient envoyés devant des juges pour détention du Coran ou parce que demandeurs de construction de mosquées dans des pays européens ? Les manipulations et l’exploitation de cette détestable affaire sont profitables à qui devant le silence terrifiant des partis qui soutiennent, théoriquement, le Président ? Sont-ils à ce point impatients de l’enterrer vivant ?
Abdou B.