Peut-on bâtir du vrai sur du faux ?

À chaque session son anomalie : fuites, erreur de formulation, trituration des résultats ou mauvaise présentation des données… Nous ne savons donc pas encore organiser un examen de baccalauréat irréprochable. Mais à voir les résultats du procès de l’Université de formation continue qui se déroulait — coïncidence ? — en même temps que les premières épreuves du bac, on peut se demander s’il est nécessaire de décrocher un diplôme propre. Du moins pour assouvir son ambition de carrière.

2 695 personnes ont pu faire des études supérieures en présentant des dossiers d’inscription falsifiés. Si le baccalauréat ne constitue pas une condition d’accès à l’UFC, celle-ci est tout de même une université. Ce nombre faramineux d’étudiants faussaires a été réalisé en trois ans, entre 1999 et 2002. Plusieurs centaines de ces faussaires ont pu accéder à de hautes fonctions dans l’administration. La chronique judiciaire ne le dit pas, mais certains d’entre eux ont peut-être pu sévir dans l’enseignement supérieur et dans l’éducation nationale !

Jusqu’ici, le passé révolutionnaire, même celui des parents, compensait le déficit de titres dans la carrière d’un fonctionnaire. On commença donc par s’inventer de fausses biographies. Depuis que l’étude des dossiers de maquisard est suspendue, et qu’on ne peut produire de nouveaux faux moudjahidine, voici venu le temps des faux diplômes ! En faisant de l’UFC une espèce d’université “19 Mars” pour valider les titres.

Si tant de hautes fonctions sont occupées par des hommes sans passé authentique et sans vrais diplômes, il est aisé de comprendre pourquoi nous n’arrivons pas à organiser de vrais examens et concours, une vraie foire, un vrai championnat, une vraie réconciliation, de vraies élections… avec la netteté de la tâche bien préparée et rondement menée.

Il n’y a finalement de vrai que la rente que nous dilapidons et le verbiage qui fait croire que nous réalisons tout cela.
Peut-on construire un pays sur du faux ? À commencer par son passé magnifié : dans un de ces colloques où l’on parle de stratégie pour éviter d’assumer le présent, un colloque sur “la défense économique”, un universitaire, un vrai apparemment, vient de remettre en cause un mythe qui alimentait les esprits affamés, le mythe de “l’Algérie grenier de Rome”, établissant que le pays est “structurellement” incapable de nourrir sa population.

Bien d’autres mythes sont appelés à tomber, mais ce genre de mises au point qui nous ramènent à notre réalité faite de fausse prospérité, bâtie sur une ressource aussi providentielle que passagère, ne sont pas les bienvenues. On les oublie vite.

Trop occupés que nous sommes à mettre de côté nos parts individuelles de rente, celles que nos impostures respectives nous ont permis de glaner, nous n’avons pas de perspective collective. Pour nous faire passer le temps, le pouvoir s’est chargé de nous concocter un discours unique fait d’exaltation d’un passé lustré et d’incantation d’un futur mirifique que nous simulons de préparer.
Alors qu’en fait, nous sommes en train de saper méthodiquement les bases stratégiques d’une perspective nationale : la vérité, les ressources, le travail, le mérite, la citoyenneté…

Mustapha Hammouche

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