Des histoires et l’Histoire

Le sinistre Ausaresses nous a appris cette semaine que Ben M’hidi avait refusé de se laisser bander les yeux avant sa pendaison.

L’événement marquant de cette semaine aura été, pour nous Algériens, cette émission diffusée par la chaîne de télévision publique française «France3» intitulée Ce soir ou jamais. L’intérêt est dans cette partie de notre histoire abordée au cours de la soirée.

Parmi les invités sur le plateau, il y avait l’énigmatique général Ausaresses qui avait confessé dans un livre, il y a quelque temps, avoir assassiné l’un de nos illustres héros, Larbi Ben M’hidi. Une confession dont il distille les détails au compte-gouttes. Des détails répartis sur trois livres et plusieurs émissions télé. Le tout à des moments qu’il semble choisir à dessein.

Détails et moments qu’il veut mettre «au service de la France» comme il le précise dans les titres de ses livres. Contrairement au général Massu et au général Bigeard qui en savaient autant sinon plus que lui sur cette affaire et qui ont emporté leurs secrets avec eux, le général Ausaresses, qui était l’exécutant des basses oeuvres des services secrets français de l’époque, a visiblement des comptes à régler avec certains de ses supérieurs.

Cette semaine, c’est François Mitterrand qui en a pris pour son grade. Une «cuisine» franco-française qui ne nous aurait pas intéressé outre mesure si elle ne comportait pas une partie de notre histoire. De notre âme. Une histoire laissée à nos seuls tortionnaires qui prennent un malin plaisir à malaxer à leur gré.

Que le général Bigeard ait rendu les honneurs à Ben M’hidi et que le général Ausaresses ait pris la relève pour le liquider physiquement en secret, cela n’a d’intérêt pour nous que pour confirmer aux yeux du monde ce que nous, nous savions déjà.

Que Ben M’hidi était un dirigeant hors normes de notre révolution armée. Un dirigeant que l’ennemi admirait et craignait à la fois. Pour son génie et pour son courage. Le génie d’avoir donné au combat des Algériens une assise politique par l’organisation du Congrès de la Soummam.

Le génie d’avoir fait connaître ce combat au monde entier en organisant des opérations spectaculaires dans la capitale. Comme la grève des huit jours et les attentats à la bombe. Une grève qui a prouvé l’adhésion totale des Algériens au FLN. D’ailleurs, cela reflétait bien les idées de Ben M’hidi qui avait pour conviction de «mettre la révolution à la rue et le peuple la portera».

Des bombes dans des lieux publics qui, quoi qu’on dise, étaient la seule manière de porter au plus loin le cri de la liberté à laquelle aspirait le peuple algérien. D’ailleurs, Ben M’hidi a su très bien expliquer ce choix douloureux lorsqu’il a rétorqué à Bigeard qui le lui reprochait: «Donnez-nous vos avions et vos chars et nous vous donnerons volontiers nos couffins (utilisés dans les attentats à la bombe Ndlr)».

L’homme était d’une intelligence supérieure, d’un charisme exceptionnel et d’un courage extrême. A ce propos, le sinistre Ausaresses nous a appris cette semaine que Ben M’hidi avait refusé de se laisser bander les yeux avant sa pendaison. Rien de surprenant de la part d’un responsable qui a choisi, bravant tous les dangers, de rejoindre la Casbah au coeur de la capitale pour superviser lui-même les actions qui allaient y être menées.

Il aurait très bien pu choisir d’autres lieux moins exposés. Quant à son charisme, celui-ci est resté figé pour la postérité dans ce sourire, aux messages aussi infinis que celui de la Joconde, qu’il arborait alors qu’il était menotté et entre les mains de ses tortionnaires. Tout en lui inspirait le respect et l’admiration. Y compris de l’ennemi qui lui a rendu les honneurs militaires.

Tout cela nous le savions. Ce que nous ne comprenons pas, par contre, c’est pourquoi laisse-t-on l’initiative à des monstres comme Ausaresses de parler de notre illustre héros. Pourquoi et mis à part son ami Hachemi Trodi qui lui a consacré un livre sans pouvoir cependant aborder son vrai rôle dans la Bataille d’Alger, il ne s’est trouvé personne d’autre qu’Ausaresses pour témoigner de cette période.

La seule fois où ce monstre a dit quelque chose de sensé se trouve dans son dernier livre. «Il faut d’abord dire qui était Ben M’hidi», a-t-il écrit pour justifier son horrible assassinat. Malheureusement, il se trouve seul à le dire et à «écrire» notre histoire.

Zouhir MEBARKI

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