Expériences
Pendant qu’El Djazaïr-Beni-Mezghenna faisait la voluptueuse expérience d’une journée sans voitures et que tous les spécialistes de tout acabit sont encore penchés sur leurs grimoires pour déchiffrer, après de complexes calculs et des figures de rhétorique, la logique la plus élémentaire n’envisagerait même pas d’imaginer, dans un roman de science-fiction de troisième type, les effets bénéfiques d’une opération aussi salutaire sur tous les facteurs de la vie sociale.
Les médecins, les premiers s’en féliciteront sur le fléchissement à peine perceptible des cas d’asthme présentés aux urgences hospitalières surchargées: ils ne manqueront pas, in extenso, de conclure que cela aura un effet bénéfique sur le nombre de cancers pulmonaires…Les économistes se frotteront les mains en comptant le nombre de barils épargnés et qui seront vendus ainsi aux Américains qui pourront ainsi continuer tranquillement leur agression contre le Moyen-Orient…
Les psychologues sont plus réservés sur le comportement du conducteur type qui a passé toute sa journée dans et autour de sa bagnole, ne la quittant qu’à la tombée de la nuit après un déchirant au revoir. On passera sur la baisse des harcèlements et de racolages, sur la baisse d’accidents et l’économie qu’elle a générée…Vivement une autre journée sans voitures dans toutes les villes de ce pays à vocation touristique ratée!
Quant aux récupérations politiques, nous les attendons encore vu, qu’aucune tête d’affiche électorale présente, passée ou à venir ne s’est encore manifestée. Eh bien, pendant que nos professeurs Nimbus, rescapés des purges fondamentales, faisaient encore leurs calculs d’épiciers, là-bas, de l’autre côté de cette mer qui unit les esprits mais sépare les peuples, une petite école primaire située à Strasbourg faisait une expérience originale: des enseignants de classes d’élèves âgés de six à onze ans viennent de passer un contrat avec leurs chères têtes blondes (même s’il y a quelques Africains parmi eux); il s’agit tout bonnement de faire signer à chacun des élèves un contrat en bonne et due forme, l’engageant à ne pas regarder la télévision ni à jouer à un quelconque jeu vidéo pendant dix jours.
D’abord, il faut saluer ici, les qualités pédagogiques du geste: donner un sentiment de responsabilité à un enfant qui vient juste d’atteindre l’âge de raison est hautement significatif. Alors que sous nos latitudes, de grands responsables à peine sortis de l’âge de déraison claironnent sur toutes les ondes que les Algériens ne sont pas encore prêts…
En clair, ils prétendent que nous sommes encore des petits enfants à qui il faut toujours raconter l’éternelle histoire merveilleuse de la magnifique «révolution au bois dormant» dans les griffes du méchant colonialiste et qui sera réveillée par le baiser fougueux de chevaliers sans peur sans reproches et sans avenir politique….
Bref, comme disait ma collègue qui est une ancienne enseignante qui a déserté l’enseignement pour cause de fiche de paie: il faut responsabiliser le plus turbulent des élèves et tu as la paix en classe. Donc, je disais qu’il faut saluer le geste de ces enseignants qui ont considéré ces élèves mineurs comme des adultes responsables.
En retour, les élèves devront justifier grâce à un emploi du temps très précis toutes leurs activités extrascolaires diversifiées: dessins, travaux manuels, lecture, visite de musée…Les élève interviewés se sont engagés à respecter le contrat à la lettre: dans un pays où s’entrecroisent des centaines de chaînes, c’est une véritable gageure!
Selim M’SILI
