L’Unique, la propagande et la mémoire

À un certain niveau de cynisme, la propagande officielle n’appelle plus de commentaire de fond. L’émission sur les réalisations de l’actuelle décennie, diffusée avant-hier sur Canal Algérie, est de cette catégorie d’œuvres qui rendent les observations superflues. Sauf peut-être sur quelques scènes. Celles où des dizaines de cadavres de victimes collectivement égorgées ou de morceaux de corps déchiquetés par des bombes. Des images de cadavres mutilés et de lambeaux de chair convoquées, non pour ce qu’elles sont, des images de massacres au nom d’une idéologie obscurantiste et barbare, une idéologie au demeurant toujours à l’œuvre dans les maquis, dans la société, dans les médias, dans la vie publique et dans les institutions. Des images convoquées pour servir de prétexte à un matraquage au sujet d’une supposée “amélioration de la situation”.

Les victimes n’étaient, hélas, pas le sujet : leurs images sont là juste pour nous suggérer qu’elles sont mortes d’une mort dont on ne mourra plus… grâce à “la réconciliation nationale”. Message magique qui appelle à notre peur, à notre lâcheté pour mesurer le péril auquel nous échappons en renonçant à la vérité et à la justice qu’exige la mémoire de ces martyrs et en acceptant l’affront de l’impunité des terroristes.

Le film passe des scènes d’hécatombes à l’image d’un “paisible” terroriste laborieux qui peine à l’ouvrage dans un marché de gros ! Les morts, c’était personne ; le terroriste c’était Mustapha le “repenti”, avec autobiographie et des témoignages sur sa rédemption.

Hamraoui Habib Chawki, pour faire grand, a probablement voulu imiter un certain Défi Algérien tourné en 1988 pour la gloire du règne Chadli, grâce à la contribution de “nos amis” canadiens d’alors, Défi Algérien, lui-même inspiré du Défi Mondial, réalisé par le même metteur en scène, Daniel Bertolino, animé par le même acteur, Peter Ustinov, et basé sur l’œuvre de Jean-Jacques Servan-Schreiber. C’était au temps où Riadh El-Feth était “une réalisation” ! HHC s’est même inspiré de La Chasse au Trésor pour débarquer en hélicoptère sur le barrage de Béni Haroun.

Avant-hier, il manquait les moyens intellectuels de Via le Monde et le professionnalisme de Daniel Bertolino et Daniel Creusot. Et Habib Chawki, qui avait fait appel à… lui-même, n’avait pas le talent, les talents de l’acteur cinéaste et écrivain anglais Peter Ustinov.

L’engagement du directeur de l’ENTV n’est peut-être ni strictement militant ni franchement innocent : il n’omet pas d’inscrire son initiative de “Fennecs” comme un des grands moments culturels nationaux, histoire de s’éclabousser en encensant le régime.

À part cela, tant mieux que la Télévision Unique trouve tant de bienfaits que nous n’avons pas su voir dans l’ordre en place, même si elle a poussé l’audace propagandiste jusqu’à ses limites, c’est-à-dire jusque-là où elle devient contreproductive. Pour preuve, l’audimat de Thalassa, qui, par contre-temps, diffusait, au même moment, des sujets sur la côté algérienne. C’est aussi pour cela que l’émission ne pose pas de problème par son fond. Des comme celles-ci, on n’en fait plus d’ailleurs. Même en Corée du Nord.

Il y avait juste à se révolter de l’usage instrumental des victimes du terrorisme.

Mustapha Hammouche

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