Bab Ezzouar ou Bab Ezziyar ?

Jeudi dernier, Le Radar du journal Liberté faisait état d’un fait qu’on ne pouvait concevoir qu’aux Etats-Unis à l’époque des gangsters. Une «bande d’une dizaine de voyous» imposerait de force une taxe aux commerçants du marché bihebdomadaire de Bab Ezzouar, selon le quotidien. Cette énormité se pratiquerait au vu et au su de tout le monde puisque, mardi dernier, deux éléments de cette bande, armés d’un couteau et d’une matraque, nous révèle Le Radar, «s’en sont pris à quelques étals qu’ils ont jetés par terre, proférant des insultes et des obscénités devant des familles, des clients et des riverains».

Ainsi, de «jeunes voyous» s’adjugent, sans la moindre hésitation, des droits et des prérogatives qui relèvent de la seule RADP. Ainsi, on ne craint plus de franchir les lois pour détrousser des Algériens qui luttent désespérément contre l’infortune afin de subvenir aux besoins des leurs à la sueur de leur front. Des gens qui, eux, ne veulent pas vivre en parasite et qui font ce qu’ils peuvent pour ne pas être une charge pour la société.

La commune de Bab Ezzouar est-elle toujours une partie intégrante du territoire national ou serait-elle une «zone libérée» aux mains d’ambitieux truands ? Que reste-t-il de la fameuse «autorité de l’Etat» lorsqu’une bande de voyous fait la loi dans l’une de nos cités les plus peuplées, réputée abriter une université au nom si prestigieux. Comment admettre que deux voyous, un couteau et une matraque peuvent régner dans une cité qui, hier, durant la terrible décennie rouge, fut l’un des endroits les plus sûrs du pays ? On nous dit que les «voyous» agissent et s’emparent des espaces une fois la police partie.

Les «voyous» s’adapteraient pour agir au mieux selon les circonstances, l’administration non ? S’il est grave, l’incident de Bab Ezzouar rapporté par Le Radar ne fait en vérité que s’ajouter à d’autres agissements, à d’autres diktats imposés à la société malgré les protestations, malgré la multiplication des incidents. Aujourd’hui, il est devenu naturel que des jeunes s’emparent qui d’une rue, qui d’un espace pour le proclamer parking et fixer un tarif syndical aux automobilistes qui s’y arrêtent.

Sur le littoral, des bandes décident de vous faire payer l’entrée à la plage alors que trottoirs et chaussées sont transformés en souks et se voient quasiment fermés à la circulation. Une difficulté d’accès et un brouhaha qui pénalisent les commerçants légaux et lèsent les riverains dans leur quiétude, voire leur sécurité. Une situation tout ce qu’il y a d’antiéconomique mais qui perdure et qui, plus que jamais, renforce le monde de l’informel.

Un monde qui fabrique les mécontents et les marginaux par légions et qui pousse à contourner ou à ignorer les lois. Une situation qui, pour le moins que l’on en puisse dire, n’encourage pas à croire en un Etat qui ne sait plus être omniprésent. Aujourd’hui, dans les quartiers populaires, n’importe qui peut s’autoproclamer maître d’un lieu public et imposer sa loi. Surtout dans le cas du propriétaire d’un étal qui, en fin de compte, n’est pas moins clandestin que lui.

Et un clandestin censé être lui-même pourchassé par l’Etat peut-il aller demander à l’Etat de protéger ses activités illicites ? Face au phénomène des «bandes», l’inquiétude se densifie et les gens estiment que l’Etat gagnerait à redresser la situation. D’autres, plus sceptiques, se demandent si l’Algérie officielle se chargera de la régulation ou si elle abandonnera également cette tâche au monde de l’informel.

Mohamed Zaâf

Leave a Reply

You must be logged in to post a comment.

intelligence artiste judiciaire personne algériens pays nationale intelligence algérie artistes benchicou renseignement algérie carrefour harga chroniques économique chronique judiciaire économie intelligence chronique alimentaire production art liberté justes histoire citernes sommeil crise alimentaire carrefour économie culture monde temps
 
Fermer
E-mail It