Le printemps n’est pas pour demain

L’hiver des libertés démocratiques en Algérie risque de durer. Froid et rigoureux. Le pays, qui peine à sortir du cercle de la violence, aspire à voir le printemps. Saison qui offrira aux hommes libres la légèreté de marcher dans les rues, à la tombée de la nuit, sans regarder derrière eux, sans avoir peur des ombres volantes.

La menace, désormais permanente, de mettre sous les verrous deux journalistes d’El Watan, Omar Belhouchet et Chawki Amari, après le verdict de la cour de Jijel, vient rappeler une triste réalité : l’Algérie de 2008 marche à reculons. Il faut le dire tout haut : le verdict de Jijel est fortement chargé d’un message. Pas la peine d’être philosophe pour détecter son sens. Il y a une volonté, à un certain niveau de la décision politique, de tailler les arbres qui gênent ou qui ont tendance à vite et trop repousser. Voir la plaine vide a toujours été une obsession des grands maîtres, pas ceux de l’art mais ceux des palais hauts.

Donc, il était attendu que le faux débat sur la révision de la Constitution allait échapper à la contradiction, à l’autre opinion. Il n’est pas du rôle de la presse de se substituer aux partis mais il est de son rôle, de son devoir de donner l’opportunité à tous les points de vue de s’exprimer. Que ces points de vue plaisent aux puissants du moment ou pas. Sinon, il faut décréter publiquement que la presse n’a plus le droit de tout dire et que la liberté d’expression, consacrée par la Constitution et par les engagements internationaux de l’Algérie, n’existe plus dans le pays.

Les Algériens, qui ont connu le règne glacial de la pensée unique, n’ont plus aucune envie de revenir à cet âge déjà lointain. Trop de sang et de larmes ont coulé dans le pays pour que certains, dans la douceur des salons d’Alger, décident, par caprice ou par excès de pouvoir, de ligoter les mains de l’Algérie et de mettre les bâillons sur les bouches de ceux qui refusent de se taire.

Pas besoin de rappeler que les professionnels des médias, tous sans exception, ont traversé des tunnels de feu durant ces dernières années avec l’espoir que l’Algérie vive un autre jour. Les syndicalistes, les artistes, les universitaires, les animateurs du mouvement associatif autonome, bref, tous les citoyens ont partagé cet espoir.

En dépit des efforts incessants de vouloir la mettre au pas, la société n’a pas perdu ses ressorts de résistance. Devant les assauts de l’arbitraire, les Algériens ont, jusque-là, montré une grande capacité de patience. Et, la patience a des limites. Les tribunaux devraient être le lieu où la justice est rendue, au nom du peuple, et seulement le peuple, pour que les citoyens se sentent entendus et défendus.

Les juges, qui cherchent toujours une certaine indépendance, n’ont aucune raison de considérer les journalistes comme des ennemis. Le législateur, lui, doit travailler pour préciser le sens réel de la diffamation et de l’outrage. Dans ce domaine, le droit algérien ne s’est pas adapté à la marche du siècle. Les réformes de la justice ne dissuadent pas, à ce jour, les procureurs de la République de violer la règle de la présomption d’innocence. Les walis ne sont pas encore obligés de rendre des comptes aux contribuables. Ils font ce qu’ils veulent de l’argent public.

Aucun tribunal local n’a fait sensation et n’a condamné un wali face à un simple citoyen. Tout cela fait que les rancunes s’accumulent et que la crise de confiance prenne davantage de force et de profondeur. Ni la révision de la Constitution, ni la suppression même de cette Constitution, ni le bruit de marmites sur « la nécessaire stabilité » du pouvoir ne mettront fin à cette crise. Encore moins la construction de nouvelles prisons…

Faycal Metaoui

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