POURQUOI GRATTER L’ENDROIT QUI NE TE DEMANGE PAS ?
«Algérie-France. Enfin, les excuses sont arrivées.»
D’Alger !
Voilà ce qui arrive lorsque les questions de nationalisme, de patriotisme, de souveraineté et de relations internationales sont laissées entre n’importe quelles mains, lesquelles n’importe quelles mains sont elles-mêmes posées à proximité de n’importe quelles boîtes d’allumettes bien sèches prêtes à craquer et à tout enflammer.
Voilà ce que c’est que le nationalisme porté à la boutonnière comme une lampe halogène. Voilà ce que c’est que le patriotisme réduit à un pin’s piqué ostensiblement sur le revers d’une veste ou hideusement peint sur un porte-clés fabriqué en Chine. Cela donne l’actuelle et affligeante déculottée. De partout fusent les demandes d’apaisement.
Du pays noyé sous les flots, les excuses s’évaporent en lourds nuages. J’en ai mal aux tripes. Pourtant, il paraît que je ne suis pas un modèle en la matière, celle de la défense jalouse et féroce de la dignité de la patrie. Peut-être ! N’empêche que j’ai mal.
D’une douleur atroce à voir les dirigeants de mon pays s’excuser, se dédire, se rétracter, faire des entrechats, patiner dans la gadoue, ramer dans la mélasse. Bon Dieu ! Il y a ce proverbe bien de chez nous qui dit : «Pourquoi gratter l’endroit qui ne te démange pas ?» Pourquoi diantre avoir envoyé ce pauvre Medelci à la boucherie, en France pour le flinguer dans le dos, à travers les déclarations au lance-flammes de Chérif Abbas ?
On aurait voulu exécuter le malheureux ministre algérien des Affaires étrangères, on n’aurait pas fait mieux ! Mais c’est là une autre affaire… Pourquoi ensuite ces sirènes hurlantes au repentir ? On l’attendait, ce repentir, sans grand espoir de la France. Il est venu du palais d’Alger. Le dey avait été plus loin, plus ferme dans son coup de l’éventail.
Ici, aujourd’hui, alors que les fantômes de la régence n’hantent plus les couloirs, c’est à peine si l’on n’a pas fait avaler son éventail au ministre des Moudjahidine. Rengaine ton arme, malheureux ! semblent lui dire le roi et la cour affolés.
Et s’ensuivent depuis les phrases atrocement convenues, celles qui vous obligent à les écouter, à avaler des litres de Primperan : «Les mots du ministre ont dépassé sa pensée !» «La diplomatie est du ressort exclusif du chef de l’Etat», «La page doit être tournée et les intérêts mutuels protégés», «La presse a déformé les propos du ministre !» Ah ! La belle cible que cette presse. La cible aisée. Facile à cadrer et à canarder.
Elle a bon dos la presse. Vous l’aurez chargée à bloc, vous l’aurez éliminée et tuée de sa belle mort que vous n’en n’aurez pas terminé avec l’essentiel : le flot hideux de vos excuses contrites à Sarkozy. Je jure que j’en ai mal à mon pays, à ma fierté d’Algérien. A cette différence près que je n’en aurais jamais mal au point de trouver des vertus à Chérif Abbas. Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
Hakim Laâlam