De Dunkerque à Tamanrasset
Bouteflika ou les talibans. C’est le choix que nous décrit Nicolas Sarkozy, “un ami qui nous veut du bien”.
Est-ce d’ailleurs pour notre bien, pour quelques milliards d’euros de contrats ou pour contenir les talibans loin des frontières sud de la France, que Sarkozy a décidé de soutenir le régime en place ? Jusqu’à avant-hier, nous ignorions que le voyage du président français en Algérie avait cette finalité de politique intérieure, celle de peser sur la perspective nationale réduite à une alternative binaire entre le statu quo et Kaboul. Nous voilà donc éclairés sur les motivations d’un déplacement entrepris sans Enrico Macias et malgré les appels à y surseoir que les propos de notre ministre des Moudjahidine ont suscités outre-Méditerranée !
La confidence n’est pas sans rappeler le fameux “il faut” par lequel François Mitterrand avait tenté d’exercer sa pression à rebours pour que le processus de prise de pouvoir du FIS “aille à son terme”.
À Paris, on a pris l’habitude de caricaturer nos choix. En métropole, on n’a pas le temps d’affiner l’analyse des contextes politiques dans le tiers-monde. Dans un pays où il y a la droite, l’extrême droite, la droite libérale, la droite gaulliste, le centre, la gauche, la gauche de la gauche, l’extrême gauche, on trouve trop compliqué de compter jusqu’à trois ou quatre quand il s’agit de l’ex-colonie.
Alors, on récapitule : il y a ceux qu’on connaît et ceux qui se font connaître de la manière qu’on sait. Et si des affaires plus pressantes empêchent de se positionner, on peut faire semblant de les confondre grâce au “Qui tue qui ?”, invention qui permet de renvoyer dos à dos autoritarisme militaire et terrorisme islamiste.
Mais Sarkozy n’a rien inventé. Ici aussi, on nous assure que nous avons le choix entre “la réconciliation nationale”, identifiée à un régime, et la violence porteuse de chaos. Même si le choix s’était avéré avoir été de subir les deux — la réconciliation autoritaire et l’insécurité islamiste —, on devrait bientôt le rééditer. Du fin fond du Sud, les “notables” touareg nous l’ont demandé.
Curieuse démocratie où l’activité officielle se transforme, longtemps avant l’échéance, en “primaires” permanentes. Mais, soit. On ne va tout de même pas contrarier cette belle unanimité qui s’étend de Dunkerque à Tamanrasset et que partagent la perspicacité républicaine, au Nord, et la sagesse tribale, au Sud !
La France a tout fait pour annuler la course du Dakar, sans se soucier de soutenir la Mauritanie qui, pourtant, réalise de remarquables avancées démocratiques, contre les talibans. Il est vrai que ce pauvre pays n’a pas les milliards qu’il faut pour faire ses courses à Paris.
Sarkozy ne se contente donc pas d’avoir sa préférence ; il édicte une sentence qui ne nous laisse que le choix de conserver notre régime ou d’aider à la révolution “talibane”, montrant ou feignant une superbe ignorance des réels enjeux politiques de l’Algérie qu’il confond avec ses préoccupations de politique étrangère.
Cela dit, il n’y a pas de quoi s’inquiéter : l’Algérien choisira sans surprise. Avec tout ce monde qui pense pour lui, il ne peut pas se tromper.
Mustapha Hammouche