Les marchés publics du savoir

Quel désordre ! Des “historiens” ont fait du “copier-coller” dans les livres d’histoire pour petits Français avant de fourguer leur bricole rémunérée aux petits Algériens. Et ça donne ceci, dans sept cent mille manuels distribués dans les écoles : en 1830, la France a libéré l’Algérie.

La tutelle qui, pendant ce temps-là, avait la tête ailleurs, puisque, apparemment, au ministère, non plus, on n’a pas lu le livre. Benbouzid s’en lave les mains en jurant châtiment contre les faussaires. Les parents d’élèves, de leur côté, ne regardent que les notes de leurs enfants, mais pas ce qu’on leur administre comme fausses certitudes. Les enseignants, trop pris
peut-être par la question des salaires, n’ont pas réagi à temps ; ils lisaient peut-être la nouvelle grille de salaires.

Après ce scandale, il faudra attendre qu’une commission, encore une, fasse une enquête, dépose ses conclusions, pour désigner le fautif. Parce qu’il faut beaucoup de monde pour faire un livre de cinquième, beaucoup de monde, pour payer beaucoup de monde !
Parce que, qu’on se souvienne, les livres scolaires, les bons, ont toujours eu un auteur, deux au plus. Les enseignants et les éditeurs, même les élèves, pouvaient prendre connaissance des références du concepteur de leur manuel.

Et la concurrence, soutenue, n’autorisait point les impostures. À propos, le ministère de l’Éducation a bien un éditeur. Son rôle serait-il d’imprimer et de livrer les bouquins aux écoles et à ses boutiques ? La responsabilité éditoriale, ce principe de répondre de tout ce qu’on fait imprimer ne s’applique-t-il qu’aux éditeurs privés ?

Mais relativement aux autres scandales d’édition scolaire, le ministère a réagi avec une certaine promptitude, même si c’est pour noyer le poisson de sa responsabilité dans des promesses de procédures. On traque plus volontiers le “Hizb França” que l’intégrisme distillé à travers le statut de la mère et de la sœur, la haine de la différence dans des manuels autres que ceux de l’histoire.

L’historienne Lydia Aït Saâdi le montre dans ses travaux universitaires sur l’histoire dans les manuels scolaires (Paris VIII-Inalco) : le sacrifice est à ce point exalté que le risque devient réel de voir s’imprimer dans la représentation juvénile que la dignité ne réside que dans la capacité de donner la mort et de la recevoir. Il est presque exclusivement question de hauts faits d’armes et de martyr.

L’hymne au martyr permettait aussi d’occulter le fait que les vrais héros ont survécu à la guerre et ont été jetés dans les oubliettes de l’Algérie indépendante. Les jeunes qui savait “tout” de Ben Boulaïd, de Zabana, de Ben M’hidi, de Amirouche… n’ont pas reconnu Boudiaf quand il est arrivé en 1992.

On est toujours dans la légitimation politique du pouvoir et bien loin du souci de rendre la vérité historique, complète et nuancée. Les “bêtises” recensées dernièrement ne devraient pas faire oublier que le déficit pédagogique réside là : dans la primauté du discours officiel sur le devoir d’une formation accomplie d’un enfant voué à l’autonomie.

Le déficit pédagogique n’a donc d’égale que l’appétit insouciant des concepteurs “intellectuels” en tous genres qui rêvent de nous vendre, via le Trésor public, leur dangereuse insouciance. Les méfaits des marchés publics du savoir sont connus.

Mustapha Hammouche

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