Indiana Jones n’est pas passé par là

Parmi les personnalités les plus fascinantes, les plus énigmatiques de l’Egypte ancienne figure en bonne place Hashepsout, une femme au destin extraordinaire et mouvementé. Hashepsout, qui a vécu 3500 ans avant J.-C., fut la première reine pharaon à une époque où cette dignité ne pouvait échoir qu’à un homme. Mais il faut d’abord comprendre pourquoi ce personnage hors du commun occupe les devants de l’actualité.

Et c’est ce qu’explique brillamment le documentaire de Brando Quilici — diffusé sur France 5 — et consacré à la formidable investigation menée par une équipe de chercheurs égyptiens pour tenter à la fois d’identifier Hashepsout et de faire la lumière sur les circonstances de sa mort. Une enquête scientifique mais également policière à bien des égards que celle-là qui, conduite par Zahi Hawas, l’emblématique directeur du Conseil supérieur des antiquités égyptiennes, a utilisé des moyens de recherche modernes comme le scanner ou les tests ADN.

La question se posait, en effet, depuis des lustres de savoir où était passée la momie de Hashepsout dont la tombe fut découverte vide par des archéologues européens lors de fouilles au début du XXe siècle. C’était une pratique courante dans l’Egypte ancienne de brouiller les pistes afin d’empêcher pillards et profanateurs d’accéder aux sépultures royales. Dans le cas de Hashepsout, les choses étaient plus complexes car après sa mort tous les temples qu’elle avait fait édifier à sa gloire, les statues et inscriptions qui lui étaient dédiées furent détruits et rasés.

C’était presque un acte de vengeance contre cette femme qui s’était imposée comme la première reine d’Egypte. Fille du pharaon Thoutmosis 1er, Hashepsout s’empare du pouvoir après la disparition de Thoutmosis II son demi-frère et époux dont le caractère velléitaire et la santé vacillante ne firent pas un grand pharaon. Son successeur naturel, Thoutmosis III, n’était alors qu’un enfant et cela facilita la tâche à Hashepsout qui monta sur le trône sans trouver aucune résistance.

Son règne, qui dura près de vingt ans, ne sera pas marqué par de grandes réalisations mais consacra une relative prospérité en Egypte. Hashepsout, dans l’exercice du pouvoir, s’appuya sur un corps de prêtres particulièrement fidèles et cela lui permit de contrôler et de déjouer les intrigues de palais. Elle ne fut pourtant pas épargnée par les rumeurs qui lui attribuaient des relations plus qu’intimes avec son favori Sénémout.

C’était l’un des motifs du profond ressentiment de l’héritier Thoutmosis III à l’égard de cette reine qui lui barrait le chemin du trône et dont il s’était juré d’effacer les traces lorsque elle aura disparu. Hashepsout meurt alors qu’elle n’a pas atteint la cinquantaine. Et selon la promesse que s’était faite Thoutmosis III, ses traces se perdirent dans la poussière d’une histoire plusieurs fois millénaire.

D’où la grande difficulté que rencontrera le docteur Zahi Hawas lorsqu’il entamera sa recherche de la piste Hashepsout, considérée comme un maillon essentiel de la XVIIIe dynastie de pharaons qui gouvernèrent l’Egypte ancienne. Zahi Hawas et ses collaborateurs avaient la conviction que la prestigieuse reine se trouvait au musée du Caire où étaient entreposés les vestiges de l’Egypte pharaonique.

En filmant cette passionnante et minutieuse entreprise, Brando Quilici entraîne les téléspectateurs dans un véritable thriller historique fait de passion, d’absolu et de vengeance. Se reposant sur la fiabilité des moyens technologiques et scientifiques modernes, les chercheurs et médecins égyptiens finiront par se rapprocher de celle qui à leurs yeux et selon les résultats des divers tests correspondait à Hashepsout.

Pour autant, la cinquième reine pharaon a-t-elle réellement livré tous ses secrets et restitué la vérité d’une Egypte antique qui par ailleurs mobilise l’intérêt de chercheurs venus du monde entier pour tenter de percer les mystères de la civilisation des pharaons. Et cela dure depuis des siècles.

Mais la satisfaction vient largement de ce que révèle le beau film de Brando Quilici. Désormais, ce sont aussi les Egyptiens qui s’occupent de leur propre histoire et qui le font avec compétence et talent. Rien que pour cela il fallait aller à la rencontre de Hashepsout. Pour une fois, Indiana Jones n’est pas passé par là.

Amine Lotfi

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