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03 octobre 2007

Salaires, prix et productivité

Ecrit dans : Décodages

Le FCE a organisé ce lundi 1er octobre sous la kheïma de Sovac une soirée ramadanesque de débats sur le dossier chaud de cette rentrée : celui des salaires. MM. Benbitour (ancien Premier ministre), Benachenhou (ancien ministre de l’Economie) Réda Hamiani (président du FCE) ont animé ce débat devant un auditoire composé de patrons d’entreprise. Cette soirée me donne l’occasion de développer ici une contribution sur ce sujet bien complexe que celui des salaires surtout dans notre pays. Bien évidemment, les travailleurs les plus sensibles à cette question des salaires sont ceux qui sont au SNMG et juste au-dessus. Dans notre pays, la doctrine qui prévaut en matière de SNMG est celle qui fait dépendre ce niveau de salaire de trois facteurs.

1. La productivité globale des facteurs moyenne nationale.

2. L’indice des prix à la consommation

3. La conjoncture économique générale.

Il faut déjà rappeler que sur la période 1990- 1998, il y a eu une forte dégradation du pouvoir d’achat évaluée par les services du Plan à (-3%). Cette période est marquée par les programmes de stabilisation macroéconomique et d’ajustement structurel imposés par le FMI dans le cadre de la demande de rééchelonnement de la dette extérieure exprimée par notre pays. Ces programmes reposaient, entre autres, sur deux conditionnalités : une libéralisation des prix et une modération salariale (qui traduisent bien les programmes FMI de gestion de la demande).

Bien évidemment, dès la fin de ces accords et les contraintes qu’ils imposaient, les travailleurs ont exigé au moins une politique salariale de rattrapage. Ces revendications étaient légitimes (et le sont encore) lorsqu’on constate qu’entre 1990 et 2004 les salaires nominaux ont été multipliés par dix alors que dans le Grand Alger l’indice du prix du pain et des céréales est passé, pour la même période, de 104 en 1990 à 889 en 2004 (multiplié par 8,5), l’indice des prix du lait et dérivés, de 108 en 1994 à 1308 en 2004, soit multiplié par 12.

L’indice du prix des huiles a été, quant à lui, multiplié par 11. Et l’observation au niveau national montre une plus forte augmentation encore de l’indice des prix de ces produits qui constituent bien le panier des Smigards. Ainsi, si l’on revient aux trois facteurs qui déterminent le SNMG, l’indice des prix montre une forte augmentation des prix (plus forte en tout cas que celle des salaires). S’agissant du second facteur qui détermine le SNMG, à savoir la productivité globale des facteurs, celle-ci a diminué de (-4,3%) de 1979 à 1994 puis a été de (0,3%) de 1995 à 1999.

Ces chiffres ne militent pas en faveur d’une augmentation des salaires contrairement aux statistiques d’évolution des prix. Premier dilemme pour l’Etat : faut-il augmenter les salaires pour rattraper la détérioration du pouvoir d’achat même si la productivité globale des facteurs est faible voire négative à l’échelle nationale ? Mais l’Etat n’est pas seul à être confronté à cette équation. L’entreprise algérienne souffre, pour sa part, d’une crise de débouchés, le marché interne s’étant considérablement réduit pour cause de sous-consommation notamment des salariés dont l’essentiel du revenu est consommé.

Il faut donc, pour les entreprises, stimuler la demande, soutenir la consommation. Nos entrepreneurs sont pour une augmentation des salaires. Mais dans le même temps, ces mêmes entrepreneurs préconisent une politique de l’offre qui doit, entre autres, faire baisser les charges qui pèsent sur les entreprises et parmi elles les charges salariales. Enfin, comment distribuer plus que ce qui est produit, la productivité du travail étant insuffisante ?

Pourtant, les données de l’ONS et du Plan nous apprennent qu’entre 1997 et 2004 les fruits de la croissance n’ont pas été équitablement répartis entre le capital et le travail : le revenu des indépendants a, en effet, augmenté de 9,9 % alors que la rémunération des salariés n’a augmenté que de 7,8%, mais il faut aussi noter que les transferts sociaux de l’Etat ont augmenté de 12,3%. L’absence d’une politique cohérente des salaires est masquée par une action sociale de l’Etat dont on peut discuter l’efficacité et qui en tout cas ne profite pas qu’aux salariés. En résumé, on peut rappeler quatre éléments :

1. La productivité globale des facteurs est faible et notamment celle du facteur travail.

2. L’indice des prix pour les biens de consommation de première nécessité a notablement augmenté.

3. La hausse des salaires nominaux est restée insuffisante.

4. Il y a crise de sousconsommation qui pénalise aussi les entreprises en mal de débouchés.

Que faire ? Poursuivre sur une politique de modération salariale, c’est pénaliser les bas revenus qui connaissent déjà une faiblesse de leur pouvoir d’achat. On détériorerait ainsi le climat social dans un contexte politique déjà lourd.

• Augmenter les salaires, c’est relancer la consommation, mais c’est dans le même temps augmenter les coûts pour l’entreprise.

• Enfin, augmenter les salaires sans amélioration de la productivité, c’est détériorer la situation financière de l’entreprise et de l’économie. Et le contexte macrofinancier favorable actuel de l’Algérie complique encore davantage la question par la tentation qu’il offre d’une distribution facile de la rente.

Pour terminer, il nous faut souligner que la politique salariale ne peut pas exister en soi, seule, isolée du reste de la politique économique globale. Quelle politique de l’offre, quelle stratégie de compétitivité, quelle allocation sectorielle des ressources ? C’est tout cela qui détermine la politique des salaires.

Abdelmadjid Bouzidi


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