Circulez, y a rien à voir !
Ecrit dans : Contrechamp
Le ministère de la Santé ne veut plus communiquer avec la presse au sujet des multiples épidémies qui touchent différentes localités du pays.
Le ministre n’aurait pas apprécié qu’un journal ait signalé son passage privé à Sidi Bel-Abbès, pour raison de fête, au moment où il avait toutes les raisons d’une visite de travail dans cette ville frappée par un mal mystérieux.
Cela n’aurait pas beaucoup changé à notre condition que la tutelle continuât à parler. Ce qui ne nous épargne pas de la maladie, celle qu’on identifie comme celle dont on ignore la nature. Par colonies, les Algériens investissent les hôpitaux : pour intoxication à Bordj Bou-Arréridj, pour épidémie de typhoïde à Djelfa et d’une énigme à Sidi Bel-Abbès…
Apparemment, notre gouvernement ne conçoit pas encore que nous avons le droit de savoir de quoi nous souffrons et de quoi nous mourrons. Le traitement de la catastrophe de Mostaganem témoigne de ce mépris du droit de savoir. Des semaines après la tragédie, le décès des douze baigneurs relève toujours des “dossiers de l’étrange”.
Quand ils peuvent retenir l’information qui gêne, nos responsables se crispent. Pendant cinq jours, il ne s’était rien passé sur la plage de Mostaganem. Quand il est possible, le huis clos est toujours de rigueur.
De leur point de vue, la communication, et donc les médias sont faits pour ne rien annoncer qui ne va pas dans le sens de l’éloge des “réalisations” officielles. Et, si malgré tout, nos malheurs venaient à être connus, ils sont sollicités pour faire savoir que la situation est maîtrisée.
Les catastrophes se multiplient, mais chacun défend sa chapelle. Lacom incrimine l’Agence de régulation du marché des Télécoms qui réplique par une mise au point ; l’AADL incrimine la Sonelgaz qui riposte par une mise au point ; la Poste incrimine la Banque d’Algérie qui ne réagit pas… Et à l’avenant ! Le débat public est un exercice de tirage de couverture à soi.
Des institutions entretiennent ainsi une communication d’autodéfense, vide d’information bourrée d’autojustification.
Que les palabres creux s’étirent en longueur quand il s’agit de la taille d’un python, cela peut se concevoir. Mais il est plus difficile de faire admettre qu’une affaire d’enlèvement suivi d’assassinat d’un enfant finisse en queue de poisson ou qu’une noyade collective ne puisse pas être élucidée.
La communication est perçue par la plupart des institutions comme une fonction de propagande qui compense leur déficit d’efficacité. Les responsables en usent alors selon leurs stratégies apologétiques. C’est, de leur point de vue, un privilège institutionnel dont ils usent pour nous prendre à témoin de leur activisme. La presse est conviée à suivre les frénétiques courses aux inaugurations, les spectaculaires opérations “coup-de-poing” et les monologues des points de presse. Au plus haut niveau, l’exposé des bilans et leur commentaire sont soigneusement omis.
Au vu de la situation sanitaire du pays, en cet été, les nouvelles ne concourent pas à la promotion médiatique de la tutelle. Le devoir d’information est donc provisoirement suspendu.
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