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01 août 2007

Le bidonville, un produit politique

Ecrit dans : Contrechamp

À Oran, Bouteflika a appelé, une nouvelle fois, à l’éradication des bidonvilles.
En mars de l’année dernière, alors qu’il inaugurait une cité à Aïn El-Bey, le Président s’en était pris à “ceux qui investissent ces lieux de malvie en quête d’un logement alors qu’ils en possèdent déjà”, avant de suggérer une enquête nationale à ce sujet.
Ce n’est pas seulement une enquête judiciaire que la situation de l’habitat nous commande, mais un diagnostic national sur le cadre de vie de l’Algérien. On s’apercevra peut-être que ce qui est à l’origine du bidonville, depuis quarante ans, c’est la politique de l’État, ou plus justement les politiques qui se sont succédé à la tête du pays. Ces politiques circonstancielles sont le fruit d’une paresse intellectuelle des concepteurs, d’un détachement nombriliste des décideurs et d’un prix conjoncturel des hydrocarbures.
L’Algérie est gérée par les dogmes que ses dirigeants peuvent se financer. Elle a commencé par faire un tabou de planning familial pour s’offrir un taux de croissance record : la population de 1962 (dix millions) a doublé en vingt ans.
Les “industries industrialisantes” font le reste en aspirant autour des pôles industriels, aujourd’hui partiellement désaffectés, des candidats au travail à la chaîne, bien plus gratifiant que l’emploi agricole ou artisanal et prometteur de logement. Des villes, aujourd’hui “désindustrialisées”, ont hérité des “enfants” de la Révolution industrielle qu’elles ne peuvent ni loger ni employer.
Quand l’État s’est décidé à compenser les effets de “la tragédie nationale”, pour cause de réconciliation nationale, il ne s’est concentré que sur la manière de gâter les terroristes et leurs familles pour les fixer dans la vie civile. Pourquoi n’avoir pas pensé à encourager le million et demi, ou peut-être plus, de déplacés de la terreur au retour en leur assurant la reconstruction des villages abandonnés et la sécurité qui leur manquait ?
Et ce n’est pas suffisant parce qu’il est connu que si l’on quitte difficilement son terroir pour aller en ville, on quitte encore plus difficilement la ville pour la campagne.
La politique de l’habitat, contrainte par le nombre et par la crise de recettes, fait de la résistance arithmétique. Les cités sont baptisées du nombre d’appartements qu’elles comptent. Cette idéologie du chiffre détache la politique “du logement” de la réalité sociale : elle dispense l’État d’une politique de “l’habitat” et d’une politique d’aménagement du territoire. Aujourd’hui encore, et bien que le discours officiel loue l’option agricole, l’option Hauts-Plateaux, l’option développement durable, et tutti quanti, l’État ne se conçoit que comme le maître d’ouvrage de cités suburbaines. Pourquoi le logement rural ne peut-il pas bénéficier du statut de logement social ? L’État n’a jamais réellement contribué à favoriser la sédentarisation rurale. Au contraire, sa politique pousse les ruraux à venir camper aux abords de la ville, unique moyen d’accéder aux rudiments de confort quand ils sont démunis.
Le bidonville est peut-être l’expression la plus aveuglante de la crise persistante de logement, mais aussi, et surtout, d’une durable crise de société.
Le bidonville est le purgatoire des oubliés d’une modernisation bâclée.

Mustapha Hammouche


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