L’inoubliable inaperçu

C’est passé inaperçu. Le FLN s’est retrouvé champion du truquage, avec la complicité passive des hautes autorités de l’Etat, qui n’ont rien dit. Et une semaine après, on a tout oublié. On a même oublié que son frère de lait frelaté, le RND, a été créé sur le programme d’une manipulation génétique à base d’ADN de kasma et de quelques milliards de dollars. Zerhouni a traité Bouchaïr d’« excuseur », ce à quoi le scrutateur a répliqué par un « menteur », vite oublié.

La polémique sur l’honnêteté des élections a duré deux jours seulement, deux jours pour un sujet aussi sensible. Et tout le monde a déjà tout oublié. Amar Saâdani, dernier président de l’APN, a acheté une villa à 30 milliards et un domaine à Bouchaoui, une semaine après, tout le monde a oublié et il faut déjà parler d’autre chose, se demander peut-être combien va gagner le prochain président de l’APN.

Dans la longue suite des actions qui s’emboîtent, chaque événement chasse l’autre, pousse le précédent vers le passé et dilue l’ensemble dans un no man’s land de souvenirs, réduisant la conscience nationale à une petite fenêtre de cuisine. Peut-être faut-il s’arrêter, un moment, et prendre le temps de réfléchir pour tout remettre à zéro. Repenser le tout et voir où ça ne va pas. Pourquoi ça ne va pas, bien que tout le monde le sache déjà.

Mais on oublie régulièrement, alors il faut recommencer. Les Algériens manquent-ils de mémoire ? Oui, ils ont oublié pourquoi y a-t-il eu un 1er novembre, oublié comment l’islamisme autant que le stalinisme national est dangereux. Oublié leur langue ancestrale, oublié les rêves, les promesses et les libertés. C’est vrai aussi qu’on fait tout pour leur faire tout oublier. C’est comme l’ENTV, équivalent chimique d’un ponceur de cortex. Dans le ronronnement visuel, au bout d’un moment, on oublie ce que l’on devait se rappeler de ne surtout pas oublier.

Chawki Amari