Économie, intelligence et renseignement
Ecrit dans : Contrechamp
Le discours de la guerre envahit étrangement le discours officiel sur l’économie. Le Conseil de la nation vient de s’étaler avec force renforts d’experts civils et militaires sur la notion de défense économique. Un (autre) forum sur l’intelligence économique vient de se tenir.
Comme il n’est pas vertueux, pour un État, de déclarer s’organiser pour épier les économies étrangères afin d’en pirater leurs idées en matière de technologie et de gestion, il s’agissait donc plutôt de réfléchir à la manière de protéger l’économie nationale de l’espionnage international.
Au cours de cette rencontre consacrée à “la protection des entreprises et l’intelligence économique”, le ministre des Participations et de la Promotion des investissements a annoncé que le gouvernement pense à créer un haut conseil chargé d’étudier les moyens d’organiser la défense de nos entreprises contre l’attention indélicate de la concurrence.
La préoccupation serait en soi rassurante si elle signifiiait que nous serions en possession d’innovations technologiques et managériales susceptibles d’intéresser des firmes étrangères au point de lâcher leurs espions autour de nos zones industrielles. Elle serait motif de fierté si elle se justifiait par de mystérieuse Silicon Valley où fleurissent quelques performants laboratoires dissimulés à l’œil du profane.
Ce qu’on sait, cependant, c’est que nos produits, déjà insuffisants par la quantité produite, n’ont pas dépassé la médiocrité qualitative qui fait qu’ils traversent rarement la frontière du marché local. Il serait étonnant que des firmes viennent espionner des concurrents qui n’en sont pas, puisqu’à la connaissance commune, aucun de nos produits ne va les provoquer sur le marché mondial.
On peut donc douter que des traces de limiers étrangers opérant en notre pays algérien aient été relevées sur le territoire national. D’où viendrait alors l’inquiétude sécuritaire qui gagne nos responsables économiques au point de découvrir l’importance et l’urgence de la fonction d’intelligence économique ?
Des menaces autrement plus persistantes pénalisent le développement économique et social depuis des décennies, sans qu’aucun des pouvoirs successifs ne consente à y réagir : la bureaucratie, l’archaïsme du système bancaire, la dilapidation spéculative du foncier agricole, la carence du système de formation, la discrimination budgétaire de la recherche, la corruption, les détournements liés aux marchés publics.
Il n’y a pas là de quoi être espionnés ! Pas par des entreprises qui misent sur l’innovation et la bonne gestion, en tout cas.
Même là où il n’y a rien à protéger, on ne fait pas l’économie de l’investissement sécuritaire. C’est un ministre qui, en plus d’évoquer l’indifférence arabe à notre lutte pour l’indépendance, rappelait que “la majorité des personnalités qui étaient à la tête du Malg ont occupé, après l’indépendance, des fonctions stratégiques au sein de l’État algérien”.
Est-ce cela qui fait que nos experts et dirigeants économiques plongent, à leur tour, et de façon instinctive sur l’aubaine de cette synonymie, pas toujours justifiée, de l’intelligence et du renseignement ?
Mustapha Hammouche
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