Buts non lucratifs
Ecrit dans : Commentaire du Jour
Le ministre de l’Intérieur, face aux sénateurs, a abordé deux sujets importants, la rémunération des élus locaux et le monde associatif. Le premier thème est sensible, parce qu’en principe, la notion même de vocation élective, qui suppose engagement militant, donc pécuniairement désintéressé, est normalement incompatible avec le concept de salaire, mais avec une prime de remplacement de l’ancien salaire, ce qui est d’ailleurs déjà prévu par la loi.
Mais si la revalorisation de ce que touchent les élus, peu importe qu’on l’appelle prime ou salaire, peut contribuer, même dans une infime mesure, à soutirer le prétexte du besoin face à la tentation de la corruption, l’argument est toujours bon à prendre, faute de compter sur les valeurs morales d’intégrité. Pour ce qui est du mouvement associatif, l’anarchie que cache le nombre de 80 000 associations agréées censées activer dicte que l’on s’attelle sous le sceau de l’urgence à une remise en ordre dans ce domaine, à commencer par la loi y afférente.
Le seul taux de plus de 90% d’associations qui ne rendent pas compte de leur bilan annuel et financier mais qui, ô paradoxe, continuent à bénéficier des subventions de l’Etat est révélateur du laxisme qui existe dans ce volet de l’organisation de la société civile. Un sacré coup dans la fourmilière est plus que nécessaire pour séparer le (rare) bon grain de l’ivraie.
De la vermine sans scrupules (sauf le respect aux citoyens désintéressés qui ne sont mûs que par le sens du volontariat et du bénévolat) sévit dans ce domaine où des rapaces ont trouvé dans le fondement de l’association libre, qu’elle s’occupe de chasse aux papillons ou de prétendue solidarité caritative, ce fondement étant le caractère non lucratif, la raison même d’investir ce créneau pour un enrichissement illicite au nom de nobles intentions.
Réviser la loi, c’est être plus regardant sur les animateurs de ces associations avant de les agréer, mais aussi, s’ils ne remettent pas annuellement leur rapport d’activité et leur bilan financier, ne pas se contenter d’une attitude plaintive, mais leur demander des comptes, tout simplement. L’association, pour une activité culturelle, caritative ou de loisirs, celle de quartier pour l’hygiène ou l’animation, celle qui regroupe des catégories données, handicapés, anciens élèves d’un lycée, chasseurs ou autres, figure parmi les fiertés de l’activité humaine s’érigeant en ciment de la cité.
Apolitique, du moins censée l’être, l’association est malheureusement éclaboussée par les brebis galeuses qui se sont introduites dans ce monde censé être celui de la générosité intellectuelle. Cette mauvaise réputation a fait qu’en cours de route, les citoyens porteurs des meilleures intentions se sont retirés de ce monde, tandis que d’autres évitent de se fourvoyer dans ce milieu qui ne passe plus pour être l’un des plus sains.
Une nouvelle loi ne peut que réhabiliter le monde associatif dans la noblesse de son engagement désintéressé, surtout dans le suivi du rapport d’activité, ce qui n’est pas synonyme d’ingérence. Un bon vieil adage de chez nous édicte qu’une «poignée d’abeilles vaut mieux qu’un panier de mouches». Autrement dits, il n’y aura plus lieu d’arborer des chiffres triomphalistes sur le nombre impressionnant d’associations, mais ce qu’on perdra en quantité sera compensé par la qualité.
Nadjib Stambouli
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