Inquiétudes déplacées

L’hebdomadaire français le Canard enchaîné évoquait récemment l’inquiétude de Bernard Bajolet, l’actuel représentant chez nous des mémorables bienfaiteurs de l’Algérie ancienne, celle qu’on jurait française. Il s’inquiétait d’une prétendue montée de l’islamisme radical «parmi les milieux dirigeants de l’Etat algérien». Une évolution qu’il a été le seul à voir grâce à la profondeur insoupçonnable d’un regard qui s’est avéré plus performant que ceux de tous nos éradicateurs réunis.

Sa trouvaille, Bajolet l’a communiquée à l’Elysée et au Quai d’Orsay. C’est comme une sorte d’arrhes puisqu’on l’avait annoncé il y a quelques jours pour le poste de coordinateur des services de renseignement français. Normal donc qu’il se laisse subitement gagner à son tour par le syndrome du péril vert. Cela doit être important pour la propulsion des carrières. Mais ce qu’on aimerait connaître, ce sont ces critères sans failles retenus par le diplomate pour classer les gens comme islamistes radicaux. Et qui sont-ils ces islamiques radicaux venus faire les sous-marins dans la classe dirigeante de la RADP ? Alors qu’il nous disait auparavant que Sarkozy allait nous surprendre, c’est finalement le diplomate qui nous surprend.

Une curieuse intrusion pour annoncer la fin d’une mission qu’on aurait voulu fructueuse pour nos deux peuples. S’agit-il là d’une savoureuse ingérence aux pralinés comme en raffole Kouchner ? Et que notre équipe dirigeante compte parmi elle des bouddhistes, des Apaches ou des zoroastriens, en quoi cela intéresserait-il l’ambassade d’un pays étranger, fût-ce la France ? Ou bien considère-t-on toujours l’Algérie comme une chasse gardée qu’il faut maintenir en tant que telle, quitte à corriger la trajectoire si cela s’impose ?

Doit-on associer obligatoirement l’ambassade de France à nos services dans les enquêtes d’habilitation à chaque fois qu’il s’agit de pourvoir un poste dirigeant ? Un proverbe de chez nous affirme que le dromadaire ne voit pas sa bosse mais voit celle de son vis-à-vis. Bajolet ne voit-il pas que les milieux dirigeants de l’Etat français sont l’objet d’une montée que beaucoup d’Algériens ne voient pas avec trop de sympathie ?

Ne se rend-il pas compte des changements autrement inquiétants et qui vont jusqu’à dérailler complètement la France de sa politique traditionnelle pour l’aligner de plus en plus sur celle de l’Etat sioniste ? Ne se rend-il pas compte de l’hégémonisme qui fait plier le genou à son pays au point que les Français ne peuvent plus s’exprimer librement sur les méfaits d’Israël sans se faire taper sur les doigts ? Parce que les juifs français proisraéliens se trouvent justement en grand nombre parmi les milieux dirigeants de l’Etat français ?

Mohamed Zaâf