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05 juin 2008

Les pieds devant!

Ecrit dans : On remet ça

Sincèrement, je n’arrive pas à comprendre: j’ai beau retourner le problème, je n’arrive pas à saisir les motivations qui ont poussé le pouvoir à prendre une telle initiative. Peut-être qu’elles sont trop subtiles pour une âme primitive comme la mienne…Allez savoir.

Je me suis soudain rappelé que feu le président Boumediène (que Dieu ait son âme!) avait un jour formulé le projet et lancé un vibrant et ferme appel afin que les brebis égarées rejoignent la bergerie pour construire ensemble et en choeur un avenir plein de promesses. C’est que le sacré colonel avait de la suite dans les idées: il avait jeté les bases d’une industrie qui, si l’effort avait été soutenu par ses successeurs, aurait peut-être aidé le pays à sortir du sous-développement. Mais voilà, chez nous, il y a des gens qui préfèrent manger le fromage fabriqué là-bas qu’essayer d’apprendre à le faire ici.

Donc, le chef du Conseil de la révolution avait enjoint à tous les émigrés de rejoindre les ateliers et les chantiers qui s’ouvraient ici et là. C’est merveilleux! Une main-d’oeuvre qualifiée qui a appris à travailler selon les méthodes les plus cartésiennes au service du centralisme démocratique et du parti unique! Je ne connais pas le nombre de ces patriotes convaincus qui ont répondu à l’appel de la patrie, mais ils ont dû être nombreux. Car, à l’époque, le rêve était permis.

Aujourd’hui, je me mets dans la peau de celui qui a fui le pays avant, pendant ou après la tragédie nationale pour trouver un coin paisible loin de la fureur et du bruit, de la démagogie et des pratiques moyenâgeuses. Imaginez un coin retiré dans la profondeur de la forêt canadienne: ce village s’appelle Trois-Rivières, car trois oueds y coulent toute l’année en abondance.

Les rivières sont poissonneuses et la forêt giboyeuse. Mais personne ne songe à exterminer ni les paisibles élans ni même les coyotes qui s’aventurent jusqu’aux portes du village. Un pêcheur basané, assis au bord de l’eau, fume le calumet de la paix avec un Amérindien, un autochtone dont les droits ont été reconnus par la Constitution et un gouvernement qui s’applique à réparer les erreurs du passé.

Le pêcheur basané est un mathématicien chevronné qui a échoué au confluent des Trois-Rivières. Il coule des jours filés d’or et de soie, vivant d’un travail honnête et routinier dans un petit village qui ne possède qu’une petite école, une petite église sans clocher (les villageois ont horreur du bruit, même si c’est un écho du paradis). Ses enfants sont à l’école et ils sont sérieusement pris en charge.

Il a à sa disposition des centaines de chaînes de télévision. Les députés des divers partis viennent souvent s’enquérir de l’avis de leurs électeurs. Depuis qu’il vit ici, il n’a jamais entendu parler de corruption. Tous, élus et citoyens, sont logés à la même enseigne. Personne n’envoie ses enfants à l’étranger pour étudier.

Personne ne va à l’étranger pour se faire soigner. Il n’y a jamais d’émeutes. Tous les partis sont agréés sans préalable. Il n’a jamais entendu parler d’un citoyen assassiné dans un local de la police montée. Malgré l’immensité de la forêt, jamais personne n’a pris le maquis.

Les journalistes peuvent librement s’exprimer sans encourir les foudres d’une justice pointilleuse. Les couples peuvent se promener la main dans la main sans avoir à montrer leur livret de famille à un frustré de service. Et comble de luxe, les bars, les cinémas et les pharmacies sont ouverts tard la nuit!

Allez donc persuader ce bonhomme de revenir au pays. Il a juré de revenir au pays, un jour, mais les pieds devant.

Selim M’SILI


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