Comme un mustang effarouché
Ecrit dans : Abecedarius
Des premiers tâtonnements de la polyphonie avec Monteverdi (1567-1643) puis J.S.Bach (1685-1750), en passant par Pablo Casals (1876-1973), le génial violoncelliste espagnol, jusqu’au maestro Arturo Toscanini (1867-1957), mon interlocuteur fit montre d’une parfaite connaissance de l’histoire de la musique.
Lui-même était excellent violoniste, à la limite de la grande virtuosité. Nous cinglâmes, au cours de notre petite rencontre, vers le grand large, celui de la littérature, et du roman en particulier. Je compris alors qu’il était lui-même romancier bien qu’il n’eût rien publié. D’entrée de jeu, je lui dis que mon champ de bataille s’étendait sur les deux derniers siècles. Identité oblige, il m’est impossible de faire un pas en avant sans m’assurer de la solidité de mon point de départ.
C’est alors que ses yeux scintillèrent d’une manière étrange. Alors, le musicologue qu’il était céda le haut du pavé à l’écrivain qui, apparemment, n’avait aucun doigté en matière de politique. Vous accordez, me dit-il tout de go, trop d’importance à ce qui s’est passé entre la France et l’Algérie ! Laissez de côté ce chapitre, et regardez en direction de l’avenir ! Inconsciemment - ou peut-être volontairement -, il se mit à me parler de la Deuxième Guerre mondiale.
J’eus droit alors à une description hautement littéraire de sa participation à la fameuse bataille de Monte-Cassino, en Italie, aux côtés de Ben Bella et d’autres Maghrébins. Et il me fit savoir encore qu’il venait de terminer un roman sur cet épisode.
Moi, comme un mustang qui, sentant une présence humaine, se met à piaffer avant de s’élancer dans les grands espaces, je fis l’impossible pour garder une certaine retenue. Et pourquoi donc, mon ami, lui demandai-je enfin, ne mettez-vous pas toute la Deuxième Guerre mondiale dans le dossier des affaires classées ?
Les écrivains occidentaux d’une manière générale, les cinéastes, les historiens et les politiciens européens en particulier, ne veulent toujours pas désarmer dès qu’il s’agit de la Guerre mondiale à laquelle, par ailleurs, les Algériens et leurs frères maghrébins ont aussi participé. Je ne puis, quant à moi, garder le statut d’un « Sans Nom Patronymique » au moment où vous vous obstinez à réchauffer, pour une raison ou pour une autre, votre vieux plat de résistance !
S’il est vrai que notre identité a subi les contrecoups de l’histoire durant ces deux dernières décennies, en revanche, nous n’avons d’autre choix devant nous que d’aller à la même mairie pour demander notre extrait de naissance. De fait, nos écrivains continuent de tremper leur plume dans des encriers emplis du sang de valeureux combattants pour la liberté.
Toute la différence est là , mon ami, car l’histoire, et c’est là une évidence, n’est pas la même partout, voire ne pourrait l’être, même si les hommes étaient de bonne foi. Celle qui nous concerne des deux côtés de la Méditerranée ne pourrait être écrite de la même façon. Vous en donnez la preuve chaque jour.
Merzac Bagtache
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