MSP : LE GRAND SCHISME
Ecrit dans : Lettre de province
Il en est des partis politiques, comme des familles. Les uns comme les autres succombent aux appétits des héritages et se déchirent autour d’une dépouille qui leur est léguée. Cinq années après la disparition (mai 2003) du père fondateur le MSP, initialement baptisé Hamas, est à son tour l’objet de convoitises personnelles. La presse qui, comme à son habitude, parle trop vite et conclut hâtivement n’avait-elle pas célébré en son temps la transition paisible qui avait alors permis à un certain Soltani Aboudjerra de succéder au défunt Nahnah ? Pas un qualificatif élogieux ne manqua dans les écrits relatant le fameux congrès de juin 2003 et la «chouracratie » à l’œuvre.
Ce néologisme de substitution grâce auquel le défunt lieutenant de Bouyali fit carrière, s’avéra non seulement un héritage précieux pour ses émules mais surtout un capital fructueux qui fascina tant le pouvoir en place que celui-ci lui conféra quelques parcelles de son autorité. Menasra, l’actuel procureur chargé de déboulonner l’héritier putatif, n’avait-il pas lui-même goûté aux avantages matériels des hautes fonctions de l’Etat ? Obscur ministre d’une industrie qui n’existe qu’à travers des friches d’usines, il se découvre aujourd’hui une vocation de moralisateur devant l’éternelle profession de foi dont il se croit le bon dépositaire. Il est vrai que celui qu’il critique ouvertement s’est arrangé pour faire tout faux durant le lustre où il occupa la direction.
Son bilan, qu’il doit défendre devant un congrès cette semaine (le 29 avril), est assurément négatif, d’autant plus que la légitimité qui lui fut octroyée au lendemain de l’enterrement du géniteur était fortement conditionnée par une exigence de résultats. Transfuge inclassable de la vaste mouvance islamiste, Soltani n’était pas un compagnon de la première heure de Nahnah, pas plus qu’il ne participa à l’enfantement du FIS en 1989. Ce prédicateur venu de l’extrême est du pays n’avait pour hauts faits d’armes que celui d’avoir été un jour la cible d’un attentat à la sortie d’une mosquée constantinoise.
A son insu, il fut désigné comme un islamiste modéré, si tant est que cette étiquette a un sens idéologique. Nahnah, politicien madré, avait vite compris l’intérêt qu’il y a à recruter l’homme puis à en faire son commis voyageur chargé de diffuser sa théorie de légaliste républicain. Son ascension dans la hiérarchie interne de Hamas s’explique en partie par sa posture de «victime» de la violence intégriste au moment où la ligne de séparation se résumait à la dénonciation ou l’approbation de celle-ci. C’était par conséquent à Nahnah que l’on doit cette ruse doctrinale qui, jusqu’à nos jours, a permis à l’islamisme politique de rester en bons termes avec l’appareil d’Etat.
Grâce à un marketing politique subtil, le MSP s’imposa comme la bonne alternative au radicalisme islamiste incarné par les éléments de l’ex-Fis et l’opposition de principe du Mouvement Nahda dans ses versions revues et corrigées par Djaballah. Légataire d’un capital sympathie, Aboudjerra Soltani en dilapida une bonne partie à son profit personnel et cela à travers les multiples compromissions qui altéreront le crédit d’un appareil devenu alors un appendice que le pouvoir d’Etat actionnait à sa guise.
Menasra et le conseil consultatif, instance suprême entre deux congrès, ont de bonnes raisons et des arguments de poids pour interpeller un leader sortant, sur sa praxis. Sauf qu’à leur tour, ils abusent des attaques ad hominem au lieu d’aller vers les fondamentaux de la doctrine que ce dirigeant contesté et contestable a perdu de vue. En effet, lorsqu’on lit les déclarations fâcheuses du vice-président Menasra, menaçant de ne plus siéger aux côtés de Soltani, avant même que le congrès ait rendu son verdict, l’on ne peut qualifier cette injonction que de chantage.
Si à un moment ou à un autre, les observateurs ont pu croire qu’un schisme doctrinal couvait dans cette officine, ils découvrent à la veille d’un congrès qu’en fait toute cette agitation se résume à une guéguerre de chefs nourrie de prééminences «historiques» supposées. Membres fondateurs frustrés qui pointent l’index vers les opportunistes d’hier qu’ils ont pourtant adoubés dans des circonstances particulières et qui ne trouvent de parade que dans la modification des règles organiques du parti. Parmi celles-ci, l’on retiendra la nouveauté dans la définition des responsabilités qui dorénavant rendra incompatible la fonction de président de parti avec la moindre charge ministérielle.
Une innovation qui ressemble à la guillotine pour Soltani. En effet, celui-ci devra probablement démissionner de son poste de ministre d’Etat avant de présenter sa candidature sans même être assuré d’être reconduit. Autant dire qu’au soir du 1er mai, dernier jour de congrès, il risque de n’être rien alors qu’il était tout, trois jours auparavant ! Face à son ennemi intime, il ne peut compter que sur la divine main du pouvoir pour sauver sa carrière.
Le MSP, qui n’est pas plus autonome que le FLN ou le RND, obtempérera alors aux signaux extérieurs pour peu que l’homme que l’on voulait crucifier soit toujours dans les bonnes grâces du palais. Le frère Soltani sait parfaitement qu’avant de convaincre les congressistes, il devra d’abord faire le siège d’El- Mouradia. Là où sa survie se négociera.
Boubakeur Hamidechi
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