LA CRISE PAR LA FAIM

La faim, vous connaissez ? Sinon reprenez L’incendiede Mohamed Dib, ou Le métier à tisser et suivez Omar dans sa recherche du pain ou des restes de charbon aux abords de la voie ferrée. Vous en aurez une idée. Mais une faible idée car pour Omar, Aïni se décarcasse. Alors imaginez les perspectives tellement immédiates de la faim que nous a préparée l’agriculture capitaliste, ennemie des cultures vivrières et grande conseillère des produits d’exportation.

Imaginez ces perspectives sans des Aïni qui se décarcassent car parents et enfants seront uniment incapables d’accéder à un travail et encore moins à des aliments trop chers. En dehors du pillage bien sûr, qui n’offre des solutions que pour quelques jours. Emeutes de la faim, pillages et révoltes : ces notions ne sortent pas de ma tête inquiète du monde mais de la bouche ou du stylo du directeur de la FAO, du responsable du Programme alimentaire mondial, du directeur de la Banque mondiale, des responsables de l’ONU.

Cent millions d’hommes, de femmes ou d’enfants supplémentaires seront confrontés à la misère et à la famine et pour eux, les objectifs du millénaire auront vécu. Les orientations du grand capital ont conduit à l’abandon des agricultures traditionnelles pour soumettre pays pauvres et paysans à sa recherche du profit et viennent de montrer leur caractère économiquement néfaste et humainement dévastateur.

Le capitalisme contre la planète et contre l’humanité ? Nous le savions même si son triomphe temporaire avec la chute du Mur de Berlin et l’implosion de l’URSS et du Bloc de l’Est passait pour définitif et irréversible. «Le capitalisme est la solution !». Il ne s’agissait plus que de gérer ses excès ultralibéraux, idée et seule issue que l’alter- mondialisme devait nous enfoncer dans la tête en lieu et place de la lutte anti-impérialiste, mais ce terme est ringard, bien sûr ! Et pourtant ! Ce sont les principaux dirigeants de la domination du capitalisme qui le reconnaissent aujourd’hui à contre-cœur : leurs politiques et leurs orientations, la recherche effrénée du profit sont à l’origine de la crise actuelle.

Leur but immédiat : empêcher que la crise ne renforce le camp des «socialistes du 21e siècle», ne pousse la fantastique énergie des révoltes de la faim vers la lutte contre les véritables causes de la faim et vers la redécouverte de cette vieille vérité : le capitalisme crée les crises et les problèmes pas les solutions et s’il les règle à son avantage, c’est toujours par les guerres et les conflits, toujours de façon momentanée et pour les recréer à des échelles plus grandes et plus graves. C’est, pour paraphraser le philosophe qui hante les nuits du capitalisme, la reproduction élargie de la crise et des fossoyeurs de ce système.

Mohamed Bouhamidi