Premier trimestre : où en est l’économie algérienne ?
Ecrit dans : Décodages
La situation financière de l’Algérie est bonne. Elle est même particulièrement bonne depuis ces quatre dernières années. Mais la situation de l’économie est décevante, bien décevante. La clé de ce paradoxe ? Les hydrocarbures qui agissent comme un voile qui cache les dysfonctionnements et les mauvaises performances de l’économie. Cette économie traîne cinq handicaps, qui sont aujourd’hui facilement identifiables et admis par tous les analystes :
1) Les secteurs hors hydrocarbures manquent de dynamisme et particulièrement le secteur industriel qui n’a pas fini sa descente aux enfers.
2) La productivité globale des facteurs est faible. Même si certains travaux, notamment ceux du Commissariat à la planification, révèlent quelques améliorations dans ce domaine, la productivité des facteurs est en Algérie l’une des plus faibles du pourtour méditerranéen, sinon la plus faible.
3) Les performances de croissance économique sont lourdement dépendantes des activités du secteur des hydrocarbures, celui-ci représentant 45 % du PIB et constituant la principale source de financement de l’ensemble de l’économie. Et pas seulement.
4) Les entreprises publiques, non performantes, sont toujours là et grèvent chaque année, le budget de l’Etat par des assainissements financiers répétitifs siphonnant par là même les crédits dont ont si besoin les entreprises privées et les autres secteurs (effet d’éviction).
5) Le climat des investissements, (ou des affaires, de «Doing business » diraient les Anglosaxons) est décourageant.
Ces handicaps constituent de véritables contraintes structurelles, de véritables rigidités systématiques. Les plans de relance I et II (2001/2003 et 2005/2009) ainsi que le PNDAR qui visent à rééquiper le pays en infrastructures de base pour les premiers, et à relancer le secteur agricole pour le second sont, sans aucun doute, nécessaires et bien utiles mais ils n’agissent qu’indirectement sur les handicaps que nous venons de signaler. Ce sont les réformes, les politiques structurelles qui doivent agir sur les contraintes systémiques. Et il faut bien l’admettre, celles-ci accusent un grand retard et ne peuvent plus être reportées.
Quelle est la nature de ces réformes, tellement invoquées, tellement évoquées, mais non encore appliquées ? Si l’on en croit les thérapies orthodoxes recommandées par le FMI et la Banque mondiale, six orientations sont à privilégier dans la stratégie d’ajustement à mettre en œuvre :
1) La politique économique doit être «robuste », c’est-à -dire qu’elle doit rechercher la stabilité des prix et au moins l’équilibre budgétaire. Une croissance sans inflation et sans expansion de la dépense publique. Il faut bien noter que ce choix entraîne un renoncement aux objectifs naturels de la politique économique que sont le plein emploi et l’amélioration des niveaux de vie au moins dans le court/moyen terme.
2) Les politiques salariales doivent être modérées, ce qui signifie, en termes plus crus, que les salariés ne doivent plus exiger de participer plus fortement aux fruits de la croissance. Le marché du travail doit être flexible, les contrats à durée indéterminée cédant la place aux contrats à durée déterminée (les CDD à la place de CDI).
3) Les systèmes fiscaux et de protection sociale doivent être transformés pour qu’ils deviennent «incitatifs au travail», ce qui signifie un allégement des impôts qui pèsent sur les entreprises pour les encourager à l’investissement et au recrutement et une révision de la protection sociale dans le sens d’un découragement au recours à l’assistanat et une incitation à «retrousser les manches».
4) Les dépenses sociales qui grèvent le budget de l’Etat et menacent son équilibre doivent être sous contrôle et contenues.
5) Une reconsidération des politiques de solidarité afin d’accroître la protection des plus fragiles et réduire la protection des «insiders» (ceux qui sont pleinement intégrés dans la vie active).
6) Enfin un accroissement des dépenses actives pour l’emploi et une restriction de l’accès à l’indemnisation du chômage en en durcissant les conditions.
Une telle politique économique, orthodoxe, a été fortement préconisée au président Bouteflika par ses économistes dès sa première mandature. On voit bien qu’il s’agit là d’une politique économique libérale plus soucieuse de rigueur économique que de solidarité sociale et marquant une dichotomie nette entre l’économique et le social. Mais une stratégie de transformation structurelle de l’économie a-t-elle quelque chance de succès en «zappant» le social, en oubliant les souffrances de la société, en augmentant le nombre des «laissés au bord de la route» ? Introduire des contraintes d’efficacité et travailler à rendre l’économie performante et compétitive passe certainement par une politique de l’offre (favorable à l’entreprise et à l’entrepreneur) qui est forcément libérale mais celle-ci n’est pas antinomique d’une stratégie de solidarité sociale qui rendra la démarche «productiviste » de l’Etat plus acceptable par les travailleurs. Il reste aussi à souligner que les problèmes économiques peuvent difficilement être dissociés des questions politiques. L’économie avance ou recule selon qu’elle est soutenue ou au contraire contrecarrée par le politique. Et dans notre cas, la crise politique n’est pas soluble dans la relance économique et ceux qui pensent que le progrès économique peut être réalisé en l’absence de démocratie politique ont assurément la vue courte, les expériences de succès économiques sous régimes politiques autoritaires étant plutôt rares et, lorsqu’elles existent, éphémères.
Abdelmadjid Bouzidi
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