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06 février 2008

Clientélisme et démocratie

Ecrit dans : Contrechamp

Le clientélisme constitue une des déviations qui guettent la démocratie. Partout, le modèle électoral souffre de l’intrusion de l’argent et des privilèges dans la pratique politique. Mais ce qui est employé ailleurs pour profiter des failles du système multipartite est mobilisé, chez nous, pour dépouiller le multipartisme de sa substance démocratique.

Il y a différence de nature entre le clientélisme de parti ou de candidat et le clientélisme de système. Là, il s’agit d’argent personnel plus ou moins — mais plus que moins — régulièrement collecté ; ici, il s’agit de deniers publics mobilisés par le pouvoir pour orienter les positions politiques d’organisations et d’individus. Là-bas, il s’agit de lobbying, de dépenses de propagande et de promesses aléatoires de renvoi d’ascenseur dans un contexte de prise de pouvoir aléatoire ; ici, il s’agit d’attentes provoquées dans un contexte de résultat politique préétabli.

Il s’agit de prendre une assurance en soutenant ou de choisir la précarité en s’opposant. Le choix se limite alors à un éventail de trois branches : soutenir, s’opposer ou se désintéresser.

La première orientation se développe avec la longévité du régime. Les exemples de “réussites” politiques dues au réflexe d’approbation mécanique ont, comme toutes les voies de réussite, une vertu pédagogique. Ils attirent chaque jour de nouvelles ambitions puisqu’il n’est demandé aucune autre qualification que de pouvoir répéter sans se lasser les slogans de la pensée et de remiser ses éventuelles convictions jusqu’au prochain changement de régime. Les moyens d’exprimer cet alignement total sont disponibles : la télévision publique, les journaux publics ou alignés, les salles publiques, les assemblées… populaires, etc.

La seconde attitude voue les opposants à la galère : la fraude électorale les repousse dans les minorités invisibles, l’ostracisme médiatique, si ce n’est l’intimidation, et la répression se charge de rendre l’expression de leurs objections impossible, sinon inaudible. Cette catégorie politique ne connaît que des déperditions du fait que leur inefficience, progressivement aggravée, finit par la disqualifier en tant qu’instrument de réalisation d’une évolution politique.

Pire, des déperditions y surviennent, parmi ceux dont les convictions ne suffisent pas à les maintenir en position de résistance à long terme. Elles vont grossir les rangs des opportunistes qui peuplent la première catégorie.

D’autres vont rejoindre la cohorte de dépités qui font les grands scores d’abstention et qui obligent les dessinateurs-projeteurs de résultats électoraux à frauder non seulement sur les scores relatifs des candidats, mais aussi sur le taux de participation.

Donc, deux rangs grossissent parallèlement : le “oui” et le “je m’en f…”. Leurs vitesses respectives de croissance dépendent de plusieurs facteurs, mais surtout de la diffusion de la pratique clientéliste le long de l’échelle hiérarchique du pouvoir pour toucher un maximum de franges de la société, et donc les ressources dont dispose ce pouvoir-État. Dans un cas, on parvient à “la démocratie populaire” d’avant la chute du mur de Berlin ; dans l’autre, on sombre dans le beylicat où société et institutions ont des vies parallèles et des rapports d’étrangers.

Mustapha Hammouche


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