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03 janvier 2008

Fureur terroriste et silence politique

Ecrit dans : Contrechamp

C’est énervant cette réaction de la France de Sarkozy, immédiate, après chaque attentat. Énervant, mais bienvenue ; ça fait chaud au cœur de voir des responsables étrangers et des États partager la colère de nos victimes, exprimer leur soutien après un malheur.

Le 11 décembre, nous eûmes droit à de plus nombreuses marques de compassion. Certes, c’était la capitale et, surtout, le siège de représentation des Nations unies qui étaient visés par le double attentat. Et un bilan bien plus lourd.

Mais Naciria est une bourgade rurale aux confins des wilayas de Boumerdès et de Tizi Ouzou, en contrebas du sinistre mont Sid-Ali Bounab, forteresse décidément inexpugnable du terrorisme islamiste. Ce terrorisme de province est un terrorisme ordinaire ; il n’appelle pas nécessairement une réaction officielle.

Au demeurant, même quand l’État réagit, ce fut rarement plus que les commentaires du ministre de l’Intérieur sur les aspects anecdotiques des attentats. Ainsi naquit la polémique sur le fait de savoir si les kamikazes étaient consentants ou bien auraient-ils été piégés par des détonateurs commandés à distance ; ainsi fut avancée la théorie de la “baisse de vigilance” qui serait à l’origine de l’aggravation de la situation sécuritaire ; ainsi fut évoqué l’étrange fait que les autorités “s’attendaient (!)” à l’attaque du Conseil constitutionnel !

Selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères françaises, “les autorités françaises réaffirment leur solidarité aux autorités algériennes dans leur lutte contre le terrorisme”. À moins de l’avoir délibérément voulu subliminal, le message comporte l’expression d’un malentendu : c’est de réconciliation, bien plus que de lutte antiterroriste, qu’il s’agit chez nous. Le décalage n’est pas sans rappeler la formule insinuante d’un récent message américain où il était question de la disponibilité des États-Unis à nous aider à “traduire en justice” les auteurs des attentats du 11 décembre.

Ici aussi, le malentendu — à moins que ce ne soit la suggestion ou l’ironie — est flagrant. Rendus là, comme on dit au Québec, peut-être faudrait-il rappeler la différence de conception : chez nous la responsabilité de “la tragédie nationale” est partagée par les terroristes et leurs victimes, et le pouvoir qui, n’y est pour rien, fait tout pour les réconcilier. En attendant le pardon bilatéral, l’État assume une lutte de barrage contre ceux qui s’opposent à la “réconciliation nationale”.

On pourrait ajouter “d’où qu’ils viennent”. Avec ce choix de règlement politique de la question du terrorisme, cette recherche de pacte national de non-violence, nous sommes d’une franche option de lutte antiterroriste, et il est encore question de chercher à “traduire en justice” les terroristes. La tentation de faire l’économie d’une lutte totale et jusqu’au bout contre le terrorisme a nécessité la remise en cause de l’inéluctabilité de la justice dans les crimes du terrorisme. La “réconciliatrice attitude” n’est pas conciliable avec une lutte antiterroriste résolue.

C’est peut-être ce quiproquo entretenu avec la communauté internationale sur le statut même du terrorisme qui explique la difficulté de notre État à formuler une réaction politique au massacre qui continue.

Mustapha Hammouche


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