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29 décembre 2007

Pays ingouvernable et conjurés antirépublicains

Ecrit dans : Lettre de province

«Gouverner est l’art du possible», aiment à répéter les politiciens de tous crins. Par sa désarmante évidence, la formule leur épargne les colères frontales et les jugements sans appel des administrés. En invoquant les limites de leur «art» ne postulent-ils pas subtilement à leur propre succession ? «Oui, admettent-ils, il faut changer de gouvernement». «En effet, ajoutent-ils, les hommes et femmes qui le composaient jusque-là sont usés par la routine». Sauf qu’ils ne se hasardent guère à suggérer que cela se fasse sans eux ou du moins avec leurs semblables.

C’est-à-dire ceux qui, non seulement partagent leur conviction, mais encore peuplent la même basse-cour. Après le diagnostic critique du RND c’est donc au tour du MSP de souhaiter cette rotation du personnel. Le changement dans la continuité demeure en toutes circonstances le leitmotiv de cette alliance, qui tout en prétendant se reconnaître dans le «programme » du président (en a-t-il jamais souligné les grands traits ?), confisque sans partage la gestion du pays. Au nom du réalisme, ils appellent à un renouvellement dans l’exécutif mais en exigeant clairement qu’il ne puisse pas se faire en dehors de leurs appareils.

Or, à quelques mois d’une campagne présidentielle où se jouera, plus que le passé, le destin de cette république, une permutation ministérielle risque d’être interprétée comme une manœuvre tardive, voire un aveu d’échec pour celui dont l’appétit de pouvoir est demeurée intacte. Puisque l’on ne change pas une équipe performante, il est par conséquent maladroit de révoquer un personnel dans les moments cruciaux où l’on est contraint de s’exposer seul.

Autrement dit, qu’a à y gagner le chef de l’Etat en reformatant son attelage alors qu’il est appelé à engager le plus douteux des bras de fer autour de l’amendement constitutionnel ? En opérant, à contretemps, de tels changements, il hypothéquera en partie sa stratégie de séduction destinée à faire de lui la seule alternative au concept de l’alternance codifié dans l’article 74 de la loi fondamentale. Même médiocre, une stabilité gouvernementale sert au moins au bon usage du mensonge en politique.

A moins que, dans le souci de décontextualiser la gouvernance de son projet personnel, il veuille se débarrasser de son propre bilan en l’imputant précisément à tous ces gestionnaires qui l’ont accompagné dix ans durant. Face à l’adversité, dont il a commencé d’ailleurs à sonder les reins, il ne voudra pas se représenter avec des comptes d’apothicaire mais dans la posture de leader irremplaçable trop à l’étroit dans une Constitution censitaire : parce que élaborée dans des circonstances exceptionnelles.

Se voulant d’ores et déjà le père refondateur de la république, il estime tout à fait légitime maintenant de faire sauter les verrous qui dans 12 mois l’auraient contraint à la retraite. Or, c’est ce même président, aujourd’hui insatisfait de cette loi, qui déclarait en 2003 que «malgré son imperfection il n’y a pas lieu d’envisager sa remise en question car cela risquait d’altérer les mécanismes de fonctionnement de nos institutions».

Allant jusqu’à ironiser sur les revendications d’une certaine opposition qui, au nom de la transition, exigeait une nouvelle constituante, ne les a-t-il pas qualifiées «d’éternels transitaires de la politique» ? En 2003, il trouvait la loi fondamentale à son goût, à sa taille et en conformité avec sa vision du pouvoir qu’il exerçait. Mais voilà qu’aujourd’hui, ce scrupuleux légalisme vole en éclats. Et que dans une miraculeuse conversion, il estime venu le temps de doter l’Etat de règles rénovées pour, dit-il, «l’inscrire dans la stabilité durable». L’artifice sémantique, dont personne n’est dupe, prépare justement les conditions d’un chaos en 2009 dont il est encore difficile de mesurer les conséquences.

Mal gouverné de nos jours, le pays sera définitivement ingouvernable à travers le procédé déloyal qui se dessine. Ceux qui pactisent avec les intentions du président, même quand ils le font à demimot (comme c’est le cas du RND et du MSP), sont en train d’accomplir un travail de diversion en focalisant sur un remaniement gouvernemental, inutile à bien des égards. Alors qu’ils sont comptables de l’immense désenchantement social, ils ne craignent pas d’être à nouveau les complices d’une «contrefaçon» de la Constitution qui achèvera les dernières promesses de la démocratie.

A moins que, dans un moment de lucidité patriotique et de majesté républicaine, le président sortant s’engage solennellement, à l’aube de cette nouvelle année, à renter chez lui en avril 2009. Transformant du coup un médiocre magistère en visa pour l’histoire à écrire.

Mais c’est trop croire au miracle en politique que d’avancer une aussi fantaisiste hypothèse. Ni l’humilité, ni le désir de postérité positive ne sont des valeurs coutumières à nos régimes où l’on est plus enclin à se cramponner aux pouvoirs et à ne pas redouter les sentences de l’histoire. Dans 400 jours environ, ce pays redécouvrira la tyrannie à visage humain. Moins dure, certes, que celle des années de plomb mais plus efficace dans le servage politique.

Boubakeur Hamidechi


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