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14 avril 2007

Le président et ceux de la

Ecrit dans : Lettre de province

Parlez, Monsieur le Président ! Dans ces moments de grande incertitude, il est de votre devoir de vous exprimer. Ces heures graves qui sonnent à nouveau comme le tocsin pour la République vous interpellent et vous seul ! Dorénavant, il n’y a plus de place ni de crédit à tous les propos qui, habituellement, se nourrissent, dit-on, de vos convictions. Venez donc au-devant de ce pays pour lui expliquer ce qu’il doit à son tour penser de la tourmente qui s’est emparée des esprits !

Empressez-vous de lui dire comment il est encore possible d’agir afin de surmonter le chantage par la terreur dont vous-même affirmiez qu’il était du domaine du passé ! Adressez-vous en toute urgence à vos concitoyens réduits peureusement à raser les murs. Oui ! Monsieur le Président, l’Algérie a peur de nouveau et cherche désespérément à comprendre comment vous comptez l’en guérir. Pas une seule voix officielle ne pourra se substituer à la vôtre pour nous dire ce qu’il faut à présent penser de cette conjuration théocratique multiforme que l’on courtise dans les allées du pouvoir et qui, néanmoins, demeure hostile à la République. Ici, elle participe aux affaires publiques et là, elle tue quand elle le croit nécessaire.

Et pourtant, elle est la seule à bénéficier des subtilités sémantiques grâce auxquelles elle est à la fois un partenaire politique et un ennemi que l’on pourchasse. Car, enfin, c’est avec vous et sous votre direction que ce pays a été amené à croire en une possibilité de paix à travers l’amnistie générale ! Vous nous aviez, en quelque sorte, convaincus que l’on pouvait avantageusement solder le crime en échange d’une promesse de paix. La paix des braves ! Les couteaux aux vestiaires ! Le silence des armes ! C’était, à n’en pas douter, un jargon familier ; et pour cause, il nous venait de loin, c’est-à-dire de notre histoire.

Bref, ce fut la fable du dérisoire «plat de lentille» que l’Etat accepta de recevoir en concédant à ses ennemis une parcelle de sa majesté. Dès septembre 1999, vous aviez fait ce choix et n’aviez eu de cesse de multiplier les gestes de bonne volonté en affirmant que la paix, avec un grand «P», n’a pas de prix et qu’il faut la réaliser à n’importe quel… prix. C’est donc de cela que vous devez nous entretenir, toutes affaires cessantes, car il semble que la parenthèse vient de se refermer brutalement sur cette mystique que vous considérez comme le grand œuvre de vos huit années. Hélas, il va falloir se résoudre à re-examiner cette option fondamentale qui n’a abouti finalement qu’à mettre sous le boisseau le credo du châtiment en agitant le pardon sans pourtant restaurer la cohésion sociale.

Les attentats du 11 avril ne sont-ils pas venus pour réactiver une vieille crainte que vous-même n’aviez eu cesse de minimiser, voire de la combattre ? Avant même que vous ne fûtes élu en 1999, le candidat que vous étiez alors, n’affirmait-il pas qu’il était temps de dialoguer avec «la montagne » (sic). Puis vous vous y êtes attelé en organisant le cadre juridique de ce grand pardon. A travers deux référendums et un arsenal de textes réglementaires, vous avez «blanchi» les gens de la montagne et vidé les prisons. De réhabilitation sociale en recouvrement des droits civiques, tous furent réinsérés de la manière que l’on sait puisque la plupart d’entre eux bénéficièrent de rétroactivité dans leurs emplois d’origine.

Généreuse, la République fut bonne fille à leur égard. Sauf qu’eux ne voulurent guère se contenter de la citoyenneté de base. Ils exigèrent plus, estimant que la reconnaissance de leur statut signifiait légitimité politique. D’où la guéguerre, larvée cette fois-ci, qu’ils menèrent contre le pouvoir. Ce dernier pécha-t-il par ignorance ou par orgueil ? En tout cas, il oublia superbement que l’islamisme politique, notamment dans sa forme violente, n’est jamais soluble dans les stratégies consensuelles. Par nature, il ne se conçoit que comme une totalité qui n’a pas besoin d’interface.

Or, pour avoir oublié ou du moins sous-estimé sa résurgence, ce pays se retrouve aujourd’hui dans le même cas de figure qu’en 1991 avec de surcroît le fait que la critique des armes lui donne quelques certitudes qu’il n’avait pas par le passé. Un Etat qui a capitulé une fois peut le faire une seconde fois, se disent-ils entre chefs de guerre. Voilà comment s’explique la pression constante que ces leaders mettent sur le pouvoir. Nous entendons déjà quelques subtils spécialistes faire des distinguos entre le terrorisme d’hier et celui du 11 avril. Ils nous disent qu’entre le «djazarisme» (cette algérianité du combat) des années 90 et le cosmopolitisme d’El Qaïda, la différence est claire. Puis ajoutent que la paix conclue progressivement entre 2000 et 2005 ne doit pas être remise en cause par le seul fait que la nébuleuse de Ben Laden ait accordé une franchise à des groupuscules locaux.

Même s’il est toujours tentant de rassurer en établissant quelques différences entre le GSPC d’une part et les GIA ou l’AIS d’autre part, l’on ne peut par contre taire la complémentarité de leurs objectifs qui se résument dans le rêve d’un Etat islamique. Sur cela, aucun courant de cette galaxie ne transigera jamais.

Cela dit, puisque le chef de l’Etat semble prendre le temps de la réflexion avant de livrer le fond de sa pensée, ne gagnerait-il pas d’abord à rappeler à l’ordre son entourage qui s’exprime sur le sujet avec une désinvolture atterrante. Ces allumeurs de contrefeux pro-réconciliation s’appellent toujours Belkhadem et Soltani. L’un comme l’autre sont montés au créneau sur les décombres du palais du Gouvernement pour soutenir mordicus qu’il n’y a rien à retrancher à la politique de rapprochement avec l’islamisme. Or, pour pouvoir le dire avec autant d’aplomb, il eût fallu au préalable demander aux Benhadj, Layada et les chefs de guerre de l’AIS qu’ils se démarquent publiquement des commanditaires de l’opération d’Alger. Ils ne l’ont pas fait parce que, d’une part, ils encouraient un refus, et d’autre part, parce qu’ils savaient que tout ce beau monde amnistié applaudissait en aparté à cet enfer du 11 avril. Pour eux, le GSPC prolonge à l’évidence leur combat d’hier et ils voient dans les attentats parfaitement ciblés la confirmation de leur activisme discret.

La conquête du pouvoir demeurant leur horizon, comment pouvaient-ils ne pas se reconnaître dans cet acte de guerre ? Tous les hommes de bonne volonté et de bon sens pensent que ce 11 avril prépare à toutes les révisions, même les plus déchirantes pour certains cercles influents. Et c’est au président de la République d’en décréter les modalités d’une répudiation salvatrice. Lui-même ne peut plus se contenter des incantations et minimiser les effets pervers du 11 avril. Ce terrorisme qui frappe avec tant de violence n’est pas résiduel comme il se répète mensongèrement depuis 8 ans. Qu’il ait des accointances transnationales importe peu puisque sa matrice est l’islamisme tout court. Voilà pourquoi Monsieur le Président nous sommes impatients de recevoir vos oracles. Ceux qui peuvent nous ôter tous ces doutes mortels. Dites-nous la vérité et dans le même temps soulignez leurs faits à ceux qui ont traduit la paix octroyée en paix des cimetières.

Boubekeur HAMIDECHI


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