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15 novembre 2007

Sarkozy, ou la fin du modèle social français

Ecrit dans : Chroniques d'un terrien

M. Sarkozy est de cette nouvelle race politique qui pense que pour être rentable, un système économique doit se débarrasser du lourd héritage d’une gestion «sociale», en réduisant notamment le rôle et le pouvoir des syndicats. Une solution miracle pour y arriver : «Les réformes». Mais ce mot cache en réalité une série de remises en cause des conquêtes syndicales chèrement arrachées et d’effritements de droits sociaux ; bref, un pur alignement sur le modèle thatchérien ou bushien. Ces voies mènent certes à des taux de croissance inédits et à la dynamisation des économies.

Mais à quel prix ? On a vu dans quel état Margaret Thatcher a laissé le secteur hospitalier public ou celui des chemins de fer livrés à l’appétit démesuré des transporteurs privés qui oublient souvent de respecter les règles élémentaires de la sécurité.

On a vu comment Bush a démantelé ce qui restait des droits à la santé pour les plus démunis et des maigres acquis sociaux des Américains pauvres. L’ouragan Katerina a été le révélateur de cette politique outrancière. La France, pays gouverné par le capitalisme depuis des décennies, a su échapper jusque-là aux tentations d’une excessive mainmise des Thatcher et des Bush locaux sur les affaires de la cité. Qu’ils soient de gauche ou de droite, les différents gouvernements de la Ve République ont toujours su éviter de reproduire ces modèles anglo-saxons excessifs.

En ce sens, M. Sarkozy apparaît comme l’homme de la rupture avec toutes les valeurs rescapées des grands idéaux de la Révolution de 1789. Un mélange de réformisme, à la sauce ultralibérale et de populisme revu et corrigé, a agi comme le carburant miracle qui a poussé le bateau du nouveau président dans le bon sens.

Ces vents favorables ont gonflé ses prétentions et donné des ailes à ses idées de «réformes» au point où il confondit vitesse et précipitation. Certes, ses réponses étaient souvent celles attendues par cette France populaire qui ne se retrouvait plus entre gauche et droite et qui a souvent rallié le camp de l’extrême droite, par dépit ou par mépris pour les partis traditionnels et leur discours démodé.

Au carrefour de ce XXIe siècle si indécis, dans cette halte nécessaire pour les hommes et leurs idées au confluent d’influences si nombreuses et si contradictoires, apparaît une certitude incontournable : la fin des idéologies. Ou plus précisément, la fin des idéologies nées au XIXe siècle.

Durant tout le XXe siècle, l’homme a eu à appliquer les théories que ses prédécesseurs avaient inventées et, chemin faisant, il a eu à en connaître les limites. Le communisme qui devait créer le paradis sur terre s’est écrasé comme un bolide déréglé sur le Mur de Berlin. Le capitalisme a créé davantage de divisions dans la société et pour le bonheur d’une minorité, ce sont des millions qui casquent !

Mais comme il est nourri par l’ambition démesurée de l’homme, par ses instincts individualistes, le capitalisme a triomphé, mais sans offrir de véritable paix sociale, ni de sérénité aux peuples qui continuent de revendiquer leur place au soleil.

L’humanité n’a pas su donner au siècle naissant les couleurs de ces rêves qui embarquent les hommes dans la passionnante aventure du renouveau et de l’espoir. Au contraire, cette troisième guerre mondiale tant appréhendée du temps où capitalisme et communisme étaient face à face, au sein de deux blocs antagonistes prêts à en découdre par lancement de missiles à tête nucléaire ; cette calamité repoussée dans l’imaginaire des peuples par l’insatiable soif de vivre, est en train de se dérouler sous nos yeux, dans le tumulte des canons et des bombardements, dans les explosions des kamikazes et l’aveuglement des puissants à vouloir perpétuer l’ordre établi.

Ce qu’il faut bien appeler par son nom, l’impérialisme, avait besoin d’un nouvel ennemi, d’une nouvelle cible, pour crédibiliser sa propagande reposant sur les peurs collectives et les angoisses refoulées de populations de plus en plus cantonnées dans le dénuement.

Le péril rouge changera de couleur. Il va prendre des habits verts et dans ces nouvelles croisades, on mobilise avec tous les arguments, y compris les mensonges et la propagande. Sur ce nouveau front, M. Sarkozy est en parfaite harmonie avec les «néoconservateurs ». A l’intérieur, M. Sarkozy mène sans répit sa bataille de «normalisation» de la France.

Les multinationales et leurs représentants politiques à Bruxelles, encore sous le coup du «non» français à la Constitution européenne et voulant en finir avec l’exception du «modèle social» français, fruit de longues et glorieuses luttes des travailleurs, ainsi que de son lourd héritage «bureaucratique » et «syndical», ont trouvé en M. Sarkozy l’homme de la situation.

Il n’y a pas à dire, c’est le client idéal. Il répond parfaitement au profil recherché pour mettre au pas cette puissance. L’actualité nous offre d’ailleurs les moments forts de cette «normalisation », à commencer par la résurgence de la fameuse Constitution européenne «adoucie» qui passe sans référendum (encore une absurdité de cette «démocratie» dont on nous abreuve matin et soir) pour finir par l’alignement pur et simple sur les positions américaines et pas les plus… douces !

Si la réaction de la rue française nous semble la plus appropriée pour faire face aux dérives libérales, il est peut-être temps pour les vrais amis étrangers de M. Sarkozy de lui dire qu’il est en train de prendre ses distances avec tout ce qui a fait la France authentique durant un demi-siècle. Son entêtement à vouloir changer de cap à la politique étrangère de la France sera un élément déstabilisateur des relations internationales, déjà bien dégradées.

Faut-il lui rappeler que ces relations ont toujours trouvé en la politique française un élément de modération et de pondération. Sur la question irakienne, sur le dossier palestinien, la France change radicalement de position et ce n’est pas de bon augure. Depuis de Gaulle et jusqu’à Chirac, la France avait une âme en politique étrangère et elle pesait de tout son poids de grande puissance dans la gestion des affaires de ce monde.

Désormais, en mimant Blair, il met en danger l’équilibre précaire qui a empêché le pire au cours des premières années du nouveau siècle. M. Sarkozy s’est certainement trompé d’époque. Il réalise peut-être ses fantasmes d’homme politique frustré du temps où il voulait un engagement proaméricain de la France, mais il arrive trop tard et ce Bush qui le reçoit en grande pompe est un homme cassé dont le projet politique restera comme une tache noire sur le front de l’Amérique.

Il arrive trop tard parce que cette même Amérique veut changer de politique, que l’ours russe se réveille et que l’Iran ne veut pas brader son droit. Parce que l’Amérique latine a pris son destin en main et que l’impérialisme se prépare à une nouvelle désillusion en Irak.

Le volontarisme, à lui seul, ne suffit pas pour donner de l’envergure à un homme politique, ni le saute-mouton sur les grands dossiers de société et les débats qui dessinent l’avenir. M. Sarkozy ne marquera pas l’histoire de la France républicaine. Il peut, tout au plus, ressembler à quelques despotes mal éclairés de la France monarchique.

Son théâtre peut séduire les spectateurs qui aiment la comédie, mais en politique, il faut plus que les gesticulations et les paroles attendrissantes pour convaincre. A ce jeu-là, c’est son propre électorat qu’il risque de décevoir. L’autre, il l’a déjà perdu depuis longtemps.

Maâmar FARAH


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