A l’origine, le livre
Ecrit dans : Point Zéro
Selon l’histoire officielle en vente par ailleurs au salon officiel du livre, l’Algérie a démarré sur un livre et s’est forgée une identité avec, une identité fixe aujourd’hui, non négociable et exclusive. Le livre et les mots. La sensibilité du sujet et l’amour immodéré des régimes autoritaires pour le cadrage pédagogique et les textes antidérapants ont peu à peu fait disparaître l’élément le plus important, le sens, puis le lecteur, et ont logiquement conduit à une relecture stricte, au contrôle du verbe et à la version unique, en VO des évènements.
C’était donc prévisible, le livre de Benchicou sur le livre qui l’a conduit en prison a donc été interdit, ce qui reste logique, soit on interdit les deux livres, soit aucun. Le régime, unique lecteur et seul porteur de sens, a jugé non recevable l’offre d’un auteur et l’a condamné à errer sur internet.
Dans ce cadre, texte et contexte, il y a un autre fait, lui au contraire très grave, arrivé en marge du salon du livre. Le ministère de l’Education vient d’expliquer que le rédacteur du manuel scolaire amputé d’un passage de l’hymne national aurait reçu 160 millions (de centimes ?) pour son forfait.
On ne sait pas qui c’est et même s’il va aller en prison un jour. Pourtant, on couvre d’un côté un acte aussi grave que la falsification de l’hymne national, promettant une vague enquête, mais on interdit un livre politique sur la nature du système dirigeant, qui n’est par ailleurs un secret pour personne.
Le régime a raison de dire que la liberté d’expression est assurée, lui peut tout dire. Et tout faire. Les autres devront aller au cybercafé lire les ouvrages interdits en attendant qu’eux-mêmes soient interdits pour non conformité avec les valeurs. Lesquelles ? Ce n’est écrit nulle part. Ce cirque va-t-il cesser un jour ? Oui, tant que les lions seront en cage et les dompteurs publics dehors.
Chawki Amari
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