80 DOLLARS LE BARIL : Est-on entré définitivement dans l’ère du pétrole cher ?
Ecrit dans : Décodages
C’est en tout cas la thèse défendue par J. M. Chevalier, le spécialiste d’économie pétrolière. Assiste-t-on actuellement à un troisième choc pétrolier ? J. M. Chevalier répond par la négative, car dit-il, la hausse actuelle des prix du pétrole a commencé en fait en 2004 et a été graduelle.
Elle n’obéit pas à des évènements conjoncturels importants comme a pu l’être le premier choc pétrolier dû, si on s’en rappelle, à la hausse des coûts d’extraction déclenchée par l’exploitation du pétrole de l’Alaska et de la mer du Nord, à la capacité de l’Opep à agir sur le marché et à la pénurie de bateaux pétroliers pour transporter le pétrole.
De même, le second choc était dû à la guerre Iran-Irak. Aujourd’hui, on assisterait moins à un choc pétrolier qu’à un “changement du paysage énergétique”. La hausse des prix s’inscrit plus dans une mutation structurelle et a, de ce fait, de fortes chances de perdurer. “Nous passons d’un paysage où l’énergie était abondante et bon marché à un paysage énergétique marqué par la rareté croissante des énergies pétrolières”, avertit J. M. Chevalier.
De plus, du côté des pays consommateurs, cette hausse des prix du baril n’est plus ressentie comme un choc, car elle a peu d’incidences sur leurs économies. Les deux premiers chocs avaient cassé la croissance. Cela n’est plus le cas aujourd’hui. “En 1980, il fallait deux barils de pétrole pour produire 1000 dollars de valeur ajoutée, aujourd’hui, à dollars constants, il ne faut plus qu’un demibaril de pétrole. Soit une baisse par quatre de l’intensité pétrolière de la croissance économique”.
Les causes de la hausse durable des prix du brut sont maintenant connues : la demande mondiale est en voie de dépasser l’offre. Et J. M. Chevalier précise que l’accélérateur de cette demande n’est pas là où on le croit. “Attention à ne pas surestimer le poids de la Chine, qui actuellement n’importe qu’entre 2 et 3 millions de barils de pétrole par jour contre 13 millions pour les USA.
Avec une population qui ne représente que 5 % de la population mondiale, les Américains consomment un quart de l’énergie produite dans le monde ! Le taux de croissance de leur économie (environ 4% actuellement) pèse plus que celui de la Chine à 10 % par an !” La situation du marché pétrolier mondial se caractérise, aujourd’hui, par une tension très forte au niveau de la production de pétrole brut, mais aussi des produits raffinés.
Cette situation tendue du côté de l’offre s’explique par le déficit d’investissements. De plus, les investissements réalisés l’ont été avec beaucoup de retard. Le décalage offre/demande va être difficile à rattraper. Il faut aussi souligner les limites atteintes par l’Opep dans son pouvoir de régulation du marché : Arabie saoudite, Koweït, Les Emirats ne disposent plus de capacités excédentaires.
Et Jean Marie Chevalier est catégorique : “Même une récession économique aux USA, qui entraînerait avec elle l’économie chinoise puis par effet boule de neige les économies européennes, resituerait les prix du brut dans une fourchette 50-55 dollars et non plus 22-28 dollars.” Pouvait-on conjurer cette “fatalité” de la hausse du prix du brut par une substitution du gaz à l’or noir ? Oui, mais à des coûts différents :
1- Un mètre cube de pétrole produit environ 100 fois plus d’énergie qu’un mètre cube de gaz.
2- L’acheminement du gaz est plus difficile que celui du pétrole : le coût du transport du gaz est 7 à 8 fois plus élevé que celui du pétrole.
Nonobstant ces nuances, la substitution pétrole-gaz est bien sûr possible, mais n’entraînerait pas de changement majeur dans la tendance boursière actuelle des prix des hydrocarbures. J. M. Chevalier rappelle aussi que l’économie du pétrole est une économie violente. Et cette violence du pétrole tient aux enjeux financiers qui existent autour de son exploitation.
“Le pétrole a pour lui d’être une matière étonnamment peu coûteuse à produire : un baril de pétrole (150 litres) ne coûte, aujourd’hui que 7 dollars. Mais à la pompe, il rapporte 250 dollars”. La différence va un peu au transport, mais surtout aux pays consommateurs (via les taxes) aux pays producteurs, mais aussi aux compagnies et tous les autres intermédiaires. “Le pétrole génère des richesses fabuleuses.
Mieux que l’or.” Cette nouvelle situation qui s’installe sur le marché pétrolier mondial interpelle bien évidemment les “policy makers” algériens. Elle les interpelle même très fortement. Comment allons-nous “serrer notre pétrole” ? Nous avons affaire, non pas à un manque d’occasions d’investir, mais tout au contraire à trop d’occasions d’investir parmi lesquelles il faut choisir judicieusement, c’est-à-dire bien choisir au regard des contraintes et des handicaps dont souffre l’économie algérienne. Il y a là incontestablement un travail colossal à faire.
Qui le fait actuellement ? … Et nous savons que dans le domaine de l’économie plus que dans tout autre, qui n’avance pas recule. Comment utiliser le pétrofood pour sortir du pétrole ? Dans le monde, la nouvelle économie qui de plus en plus fabrique la croissance, c’est-à-dire les richesses, c’est l’économie fondée sur la croissance (EFC). Mieux, l’EFC a permis à certains pays du Sud d’émerger et de rattraper quelque peu les retards accumulés : l’Inde, la Chine, la Malaisie, Qatar, la Jordanie sont aujourd’hui des économies émergentes grâce à l’EFC.
Abdelmadjid Bouzidi
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